Joseph avait acheté cette ancienne ferme sur un coup de tête. Saisi par la beauté du point de vue sur les forêts, les crêtes et les alpages. Qui plus est, elle était dans un cul-de-sac, à la fin du bitume, au début d’un chemin creux et herbeux. Il s’était renseigné au village. On lui avait dit que «c’était la maison du pendu». Il avait tant défait de cordes autour de cous déjà raides sous les poutres des greniers qu’il n’avait que faire de cette légende servie à lui, l’étranger.
Daubière ovale
L’agent immobilier avait tourné la clé dans la serrure d’un air goguenard : «Je vous préviens, c’est dans son jus.» Faute d’électricité, le commercial aux chaussures impeccablement cirées avait fait grincer les volets de bois vermoulus. Une lumière crue avait envahi une vaste cuisine au papier peint décati, aux poutres brutes de rabot sous lesquelles trônait une monumentale cheminée avec tout un attirail pour dompter le feu et fricasser que Joseph n’avait aperçu que lors de visites distraites d’écomusées. «C’était un vieux garçon qui vivait ici. Il n’avait jamais rien changé. Les gens d’ici sont venus le veiller dans le lit où sa mère l’avait mis au monde.» Joseph avait caressé le manteau de la cheminée et soupesé les chenets. «Vous pourrez en tirer un bon prix chez un antiquaire, avait suggéré l’agent immobilier. Et puis, vous avez une cuisinière à gaz dans l’autre pièce. C’est quand même plus pratique.»
La semaine dernière
Joseph avait pensé «pauvre con». Car d’emblée, il avait