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Goût : le cercle des tomates disparues

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Occupant, comme les fraises ou encore les cerises, une place importante dans l’imaginaire culinaire collectif, ce légume-fruit a aussi la réputation de berner le consommateur : les saveurs n’auraient plus rien à voir avec celles d’antan.
«Les sélectionneurs cherchent la beauté du fruit, tomate ou fraise. Sans défaut, mais sans goût», explique l’autrice Lucile Leclair. (Marguerite Bornhauser/Libération )
par Marie-Eve Lacasse et photos Marguerite Bornhauser
publié le 29 octobre 2022 à 6h48

Fin octobre. Les dernières tomates tombent dans la main du jardinier, et les plants vont bientôt entrer dans un grand sommeil. Cette étrange nostalgie qui nous étreint à cette période, marquée par le passage des saisons, est depuis quelques années l’objet d’étude de l’écrivaine franco-japonaise Ryoko Sekiguchi. Dans son livre Nagori, la nostalgie de la saison qui vient de nous quitter (2018), l’autrice s’intéresse à ce sentiment si difficile à saisir : celui, à la fois doux et amer, de l’adieu aux choses ponctué par le cycle des aliments. Ainsi, les asperges, les framboises, les abricots, les pêches, les cerises, et bien sûr les tomates, marquent avec précision le passage du temps, et créent un contexte d’adieux perpétuels jusqu’aux lointaines retrouvailles − du moins si l’on résiste aux tentations de la fraise de janvier.

Pour beaucoup, cependant, la tomate occupe une place à part dans cet imaginaire du manque, pense Ryoko Sekiguchi : «Il faut réfléchir à ce que représente la tomate pour les Français : c’est l’été, les vacances, la campagne. L’adoration des tomates, c’est comme l’adoration des mandarines pour les Japonais. C’est un mythe, un symbole. Or le chou est bien plus ancien, bien plus terroir que la tomate ! Il faut voir à quel point certains symboles nous définissent.» C’est d’autant plus vrai que