On a beau avoir fait le plus discrètement possible en soulevant la couette, elle se réveille : «Quelle heure est-il ?» «6 h 30.» «Tu te lèves déjà ? On est samedi.» On ne veut pas lui dire, mais on a été réveillé par un méchant rêve. La faute peut-être à un documentaire sur la guerre en Ukraine que l’on a regardé tardivement. Ça a fait bouger quelque chose dans la mémoire. C’était hier, c’était il y a un siècle. Un Scud déboulant sans bruit, une explosion dans un labyrinthe de ruelles et aussitôt une foule folle à la recherche des morts et des vivants. On avait fait comme les autres : courir vers le lieu de l’impact. Sans savoir pourquoi. Après tout, on avait aucune connaissance dans ce quartier dévasté. Dans la fumée, la poussière et l’odeur d’explosifs, on avait vu un cadavre recouvert d’une couverture. Sauf la tête. Ce qui nous avait choqué, ce n’était tant pas le décès de cet homme d’une cinquantaine d’années, mais ce qu’il y avait côté de lui : un sac en plastique que sa main droite tenait encore et d’où émergeait une pastèque. Cette vision rendait encore plus insupportable cette mort subite en pleine rue au retour d’une échoppe de fruits et de légumes de la rue Karrada.
Saint-Valentin
Elle fourrage nos cheveux. Elle sait qu’on a le réveil le rugueux aujourd’hui et qu’il faut nous occuper dès potron-minet pour chasser le black dog. «Tu ne me ferais pas des pancakes aux pommes ?» qu’elle miaule doucement, ensommeillée. «Si. Mais on ne dit pas “pancakes” mais les