Ni carnet ni stylo. Quand Lucie et Frédéric Paez se sont formés à la confection de la poutargue, à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), ils n’ont pu prendre aucune note écrite. Car les sœurs Decesare qui leur cédaient leur conserverie, vieille de plusieurs générations, ont respecté la tradition : la transmission de la recette de la fameuse poche d’œufs de mulet salée puis séchée fait partie des choses qui se chuchotent à l’oreille. «Ça a été des mois et des mois d’observation à leurs côtés. Elles nous ont méthodiquement montré comment faire et il fallait tout mémoriser : elles tenaient à ce que le secret de fabrication soit bien gardé», raconte une décennie plus tard Lucie Paez, aujourd’hui quadragénaire, et consciente du savoir précieux dont elle est dépositaire.
Ce matin au soleil rasant, près d’un chantier naval au milieu d’un discret port de pêche situé au niveau de l’embouchure du canal de Caronte qui relie l’étang de Berre à la Méditerranée, se dresse entre deux mareyeurs la Saveur des calanques, petite entreprise familiale qui produit toute l’année des tapenades à l’anchois et autres produits de la mer – dont de la poutargue. Réalisée de façon artisanale à partir d’ingrédients naturels, la poutargue des Paez a su convaincre des pointures de la gastronomie tels Pierre Hermé, qui en a vendu dans ses boutiques, ou encore Anne-Sophie Pic, qui l’a mise à sa carte. Mais aussi, défi plus ardu encore, les personnes âgées du coin. «Quand elles nous disent que notre poutar