
Photo animée Emmanuel Pierrot
Le temps qui passe est une fieffée saloperie qui ne veut rien entendre quand on tente de gratter la croûte du vernis de la mémoire. Tiens l’autre jour, on est dans une combe reculée de l’arc jurassien où la dernière neige s’évanouit en lambeaux sales sur des pâtures jaunies par l’hiver. On cherche cette drôle de renaissance que nous procurait, il y a longtemps, le dégel et les eaux vives des torrents qui grelottaient à nouveau sur les pentes et les dévers.
Vieilles lattes
Certes, ce n’était pas encore le printemps mais ça y ressemblait, le soleil était moins blanc, la terre se réchauffant exhalait l’odeur rassurante des bouses. On aimait ce temps comme une promesse de premier rendez-vous où l’on allait pouvoir troquer nos vieilles lattes de fond contre le ronron de la Honda aussi cabossée qu’un char russe en Tchétchénie. Il n’y avait rien que du simple dans tout cela : courir avec le chien qui était aussi déchaîné par la perspective des beaux jours qu’il l’avait été par l’arrivée de la première neige ; passer la frontière pour aller se torcher (un peu) avec l’absinthe clandestine distillée dans une ferme isolée en Suisse, et puis la retrouver dans la vieille caravane abandonnée au fond de la combe, une Caravelle modèle 1968.
Mont d’or
C’était notre thébaïde à nous deux. Même à moitié ensevelie sous la neige, elle nous accueillait comme de vieux amants. Le réchaud Butagaz faisait office de chauffage quand on faisait bouillir l’eau des pâtes que l’on engloutissait sous des tonnes de mont d’or. Il y avait