Il y a, dans la vie d’un chef d’Etat, des moments pénibles. Des arbitrages difficiles à trancher, des ministres ou des partenaires idiots à supporter, le poids de l’avenir du pays à porter sur ses frêles épaules… Mais y’a-t-il plus grand moment de solitude que lorsque l’on doit faire mine, pour ne pas vexer son interlocuteur, d’apprécier un mets qui nous donne des haut-le-cœur ? C’est ce qui s’est manifestement passé pour Emmanuel Macron, mardi 10 octobre, au deuxième jour d’un séminaire réunissant le couple franco-allemand. Lors d’une déambulation au marché aux poissons de Hambourg, le chancelier Olaf Scholz a emmené le président français vers un kiosque de sandwichs au poisson fumé, fischbrötchen en V.O. Sur les photos prises par l’AFP, la bobine qu’il tire en mâchant son sandwich pourrait se traduire par : «wow, dégueu !» Il n’est d’ailleurs pas besoin d’être président pour connaître cette gêne mêlée d’aversion et de politesse : tout le monde a déjà été pressé de goûter à un mets qui le répugnait.
When the French invite you for dinner vs when the Germans invite you for dinner pic.twitter.com/oPInyxS5Lu
— François Valentin (@Valen10Francois) October 11, 2023
Mais c’est quoi, le fischbrötchen ? Mérite-t-il vraiment une telle grimace ? Si la currywurst, saucisse-frites noyée dans une sauce ketchup-curry, est bien connue des touristes en goguette à Berlin ou à Munich, il est vrai que goûter au fischbrötchen, plus répandu dans le nord-est du pays, demande plus d’engagement, voire d’abnégation. Un peu comme les smorrebrod danois, l’andouillette française, le haggis écossais ou le cochon d’Inde péruvien. Heureusement pour les palais les moins aventureux, il en existe des versions au poisson pané ou au poisson grillé.
Dans un petit pain blanc, on glisse traditionnellement du hareng frais ou fumé (ou bien du sprat ou des maquereaux fumés, parfois du cabillaud ou du saumon), des rondelles d’oignon jaune ou rouge, une feuille de laitue et une sauce façon rémoulade, avec des herbes (persil, aneth, ciboulette…), des cornichons, une base de mayonnaise, parfois des câpres, des concombres marinés ou de la pomme – et parfois du raifort. Le fischbrötchen allemand se rapproche du balık ekmek turc, lui aussi un sandwich au poisson.
Le fischbrötchen est un mets populaire, prisé des passants se baladant sur les bords de l’Elbe. D’après le journal Die Welt, à la fin des années 40, le salon industriel d’Hanovre était surnommé «la foire du sandwich au poisson» car des fischbrötchen y étaient distribués aux visiteurs, ce qui a pu contribuer à le faire connaître et apprécier.
Pour le préparer à la maison, vous pouvez suivre la recette traditionnelle du site Kuechen Goetter. Il vous faudra, pour quatre sandwichs : 2 œufs + 2 jaunes ; 2 cuillères à café de moutarde ; 15 cl d’huile de tournesol ; 1 cuillère à soupe de crème fraîche ; 100 g de cornichons ; 1 cuillère à soupe de saumure (l’eau du pot de cornichons) ; 2 cuillères à soupe de câpres ; 2 cuillères à café de paprika en poudre ; 1/2 bouquet de ciboulette et autant de persil plat ; 4 tiges d’aneth ; 2 oignons rouges ; sel et poivre ; 8 feuilles de laitue ; 4 harengs Bismarck ; 4 petits pains.
Faites bouillir deux œufs durs qui vous serviront pour la sauce rémoulade. Rincez-les à l’eau froide, écalez-les et coupez-les en petits morceaux. Préparez la base de mayonnaise en battant les jaunes, la moutarde, une pincée de sel, en ajoutant progressivement l’huile en mince filet et en fouettant énergiquement. Incorporez le paprika, la saumure et la crème. Hachez les cornichons et les câpres finement, puis mélangez-les aux morceaux d’œufs durs. Emincez les herbes nettoyées, ajoutez-les au mélange de cornichons et incorporez le tout dans la base de mayonnaise.
Montez les sandwichs : coupez chaque petit pain en deux dans le sens horizontal mais sans aller jusqu’au bout, déposez un peu de sauce, les feuilles de laitue et des tranches d’oignons finement coupées. Ajoutez les harengs, remettez un peu de sauce si besoin.
Si vous préférez la version au poisson pané, il suffit de suivre les recommandations du site Essen und Trinken pour préparer le cabillaud – le reste du déroulé de la recette est similaire. Prenez un morceau de cabillaud par personne, essuyez-le, passez-le dans de l’œuf battu mélangé à un peu de lait et de sel, puis un peu de farine, enfin dans un peu de chapelure. Dans une poêle chaude et beurrée (ajoutez un trait d’huile d’olive pour éviter que le beurre ne brûle), faites-les dorer sur chaque côté pendant 4 à 5 minutes, à feu moyen. Egouttez sur du sopalin et garnissez-en aussitôt vos petits pains.