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Classe-croûte entre potes

Sandwich thon-catalane, la nostalgie des années 90 dans les quartiers populaires

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En dégustant une revisite bourgeoise de ce casse-dalle, historique compagnon de route des classes ouvrières, trois vieux amis actent un voyage dans le temps pour déguster le mets réconfortant de leur jeunesse.
Le thon-catalane, compagnon dans les moments de triomphe, de ronron et de détresse. (Charles Roux/Libération)
publié le 14 juin 2024 à 17h54

Dans un supermarché, trois gars restent figés devant le rayon des boîtes de conserve. Ils se tiennent droit, mentons hauts, comme s’ils célébraient un armistice. Un vigile malaxe un sachet d’olives dénoyautées : il guette ces types aux tempes grisonnantes, en fin de trentaine. Le plus petit du trio tend le bras et se saisit d’une boîte de thon à la catalane. Une goutte de sueur perle sur son torse et s’écrase sur son premier bourrelet. C’est le passé qui remonte à grandes enjambées : dans les années 90, les sandwichs thon-catalane l’ont accompagné dans les moments de triomphe, de ronron et de détresse.

Lycéen, il se revoit marcher vers chez lui le cœur émietté : sa copine l’a jeté après une après-midi de relation. Ses potes l’ont attrapé par le cou pour le traîner au centre commercial. Là-bas, ils ont acheté le nécessaire pour préparer le remède magique : le thon-catalane. Ils ont posé leurs fessiers mous sur le trottoir, bazardé leurs sacs à dos sur le bitume et lancé la fabrication du bijou gras :

  • Une baguette et une conserve chacun ;
  • Soixante secondes de concentration pour la dissection du pain et le déversement progressif du poisson noyé dans la sauce rouge (le couvercle tranchant de la boîte peut servir de cuillère pour l’étaler) ;
  • Une bouteille de soda fort pour accompagner le poisson vers l’estomac (un ruisseau de sucre).

Ils ont bouffé et ri, les cuisses serrées dans leurs survêtements Sergio Tacchini. Les condiments de la sauce ont des vertus apaisantes ; la mie de pain, couplée à cette gamme de thon-là, est un puissant antidépresseur. Le petit gars, fraîchement largué, en est sorti revigoré. «A partir de maintenant, c’est Demi Moore ou rien», dit-il, l’haleine puant l’aquarium. C’était à l’automne 1999. Il y a vingt-cinq ans.

Le sandwich star de la classe ouvrière

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