C’était un retour de baignade en rivière, en Drôme provençale, à l’heure où la lumière décline. Flemme de se terrer en cuisine et envie fulgurante de prendre l’apéro. Pour combiner les deux, on décide d’acheter des encornets et de les cuire au barbecue pendant que les uns et les autres s’affairent à servir le vin blanc et les olives sur la terrasse. Car voilà l’avantage incontesté des grillades au grand air : pouvoir faire la popote en extérieur et bavarder au-dessus des flammes. «Le barbecue, c’est une histoire de convivialité. La preuve, on ne fait pas ça seul mais toujours en groupe !» fait remarquer Jean-François Dupont, président de la Fédération française de cuisine en extérieur.
«Faire un barbecue» est donc bien une activité, un moment partagé, un dispositif. L’idée est d’ailleurs si sympathique qu’on en zappe parfois les modalités techniques. Or, acheter une belle pièce de viande ne suffit pas. «Les Français font en moyenne 17 barbecues par an… mais il faut reconnaître que personne ne sait exactement comment s’y prendre !» s’esclaffe Raphaël Guillot de la chaîne YouTube «Le barbecue de Rafa», suivie par 117 000 abonnés. Il y a huit ans, ce bon vivant s’est pris de passion pour l’art du barbecue à la suite d’un voyage au Québec où la culture du grill s’invite jusqu’aux parcs municipaux. «Quand j’ai vu le soin qu’on pouvait apporter à la cuisson des saucisses, des brochettes et des côtes de bœuf, je me suis juré de ne plus jamais manger de la viande calcinée», se souvient-il.
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Le futur du barbecue en forme d’œuf
De retour en France, il ouvre son blog et partage recettes et astuces. «Un conseil lorsque vous faites un barbecue : gardez toujours une zone froide, pour pouvoir décaler vos viandes et légumes en cas de retour de flamme. Pensez également à la cuisson indirecte : par exemple, une côte de bœuf a tout intérêt à être snackée en cuisson directe au-dessus des braises, puis décalée pour être cuite à côté des braises, couvercle fermé.» Quant au timing, il n’y a pas de règle absolue, «tout dépend de l’épaisseur, du gras et du type de combustible». Ce qu’il faut savoir en revanche, c’est qu’une côte de bœuf est saignante à 49 degrés et qu’un poulet cuit à 74 degrés, «d’où l’importance d’avoir un thermomètre. Il en existe même des modèles connectés, capables de vous envoyer une alerte sur le téléphone portable».
Cette dernière décennie, le matériel a beaucoup évolué. La démocratisation des barbecues à couvercles, notamment emmenée par la marque américaine Weber, est depuis passée par là. Plancha, barbecue à charbon, au gaz ou électriques, les possibilités sont désormais infinies. «Ce que j’aime avec cette technique de cuisson, c’est le rapport direct au feu. Il y a un retour à une forme d’authenticité, un goût inimitable», analyse Raphaël Guillot. Selon lui, le futur du barbecue se situe du côté du Kamado, un type de barbecue en céramique – matériau qui conserve bien l’humidité – en forme d’œuf, d’origine japonaise. «Dans cinq ou dix ans, ce genre de barbecue aura remplacé les barbecues au gaz. Ça va cartonner. Avec un Kamado, on peut fumer des travers de porc à 100 degrés en cuisson lente pour faire de la viande effilochée type pulled pork ou encore fumer à chaud des ribs. A 200 degrés, on peut griller une viande et à 400 degrés, le Kamado devient carrément un four à pain.» Niveau combustible aussi, un progrès est à noter. «Les granulés, qu’on utilise dans les barbecues à pellets, sont très faciles à allumer. Ils offrent le goût véritable du barbecue tout en ayant la stabilité d’un barbecue électrique.»
Championnat de France
Aujourd’hui, la pratique du barbecue n’est plus uniquement domestique : les passionnés de la grillade sortent des enclos de jardins pour former des collectifs. C’est le cas des Bouzy Boys Barbecue, une bande de cinq copains trentenaires qui ont installé leurs quartiers à Bouzy-la-Forêt, dans le Loiret. «Ça a commencé il y a une poignée d’années. On se réunissait le week-end à la campagne dans cette région, chez l’un d’entre nous, pour cuisiner des heures et se faire des grandes bouffes dans le jardin. En 2015, on s’est même construit une rôtissoire puis un fumoir. On a continué à inviter de plus en plus d’amis, et une chose en amenant une autre, on a été sollicités pour des événements, des collaborations avec des restaurateurs mais aussi en tant que traiteurs pour des anniversaires et des mariages», raconte Nicolas Choyé, l’un des Bouzy Boys Barbecue.
En France, les amoureux de la braise ont même leur grand-messe annuelle, le championnat de France du barbecue. «Il y a une quinzaine d’années, on m’a offert un barbecue à couvercle. J’ai commencé à cuisiner avec et j’ai vu qu’on pouvait faire tout un tas de trucs. Le parcours classique du gars qui se sent devenir un roi du barbecue, en somme ! Alors pour le challenger, j’ai voulu m’inscrire à une compétition. Mais comme rien de tel n’existait, j’ai décidé d’en créer une par moi-même», raconte Jean-François Dupont, fondateur du championnat de France de barbecue. Chaque année depuis 2013, ce concours (en plusieurs manches partout en France, suivies d’une finale à Saintes-Maries-de-la-Mer) réunit une centaine d’équipes, en compétition dans plusieurs catégories d’épreuves – parmi lesquelles, la cuisson du bœuf, le dessert, les légumes…
«C’est un moment très chaleureux et amical. Les filles à côtelettes, King of the Grill… A chaque édition, des équipes se démarquent avec des spécialités incroyables et une maîtrise exceptionnelle de la cuisson…» Et de pointer, à propos de l’épreuve légumes : «Il s’agit de la plus suivie. Preuve que le barbecue n’est plus uniquement une histoire de viande. De nombreux légumes se prêtent à merveille à cette cuisson. Les petites tomates qui vont confire avec de l’huile d’olive, les aubergines, les courgettes… Ce que je préfère, ce sont les asperges au printemps : elles caramélisent légèrement et se couvrent d’une pellicule croustillante… L’hiver, il y a aussi les gros poireaux, direct sur la grille pour noircir la couche superficielle. Ils vont alors cuire dans leur eau, comme dans une cocotte-minute naturelle. Quand on les ouvre ensuite, la chair est absolument fondante», salive-t-il. Et nous avec. En cette période de retrouvailles estivales post-confinement, nul doute que le barbecue sera le rendez-vous incontournable de la bonne graille entre amis.
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