Menu
Libération
Food

Pastrami, l’effet bœuf

Article réservé aux abonnés
Dans le Haut-Rhin, la famille Geismar fait perdurer la cuisine judéo-alsacienne depuis plus de deux siècles dans son delicatessen à l’ancienne. Entre le pickelfleisch et la soupe aux boulettes de pain azyme, Jacques Geismar, le fils, produit une saucisse tendre ensuite servie en sandwich.
Le pastrami à la mode alsacienne de la charcuterie Geismar, à Turckheim (Haut-Rhin). (Emmanuel Pierrot/Libération)
par Jacky Durand et photo Emmanuel Pierrot
publié le 24 juin 2023 à 11h05

C’est un moment rare. Très rare. Un déjeuner familial qui vaut tous les étoilés du monde. Nous sommes chez les Geismar, «maîtres bouchers depuis 1784» (1), comme le dit la façade vieux rose et bleu de l’une de ces maisons à colombages qui font de Turckheim (Haut-Rhin), un de ces écrins alsaciens adossés aux Vosges. Autour de la belle table nappée de blanc, il y a Mauricette, 89 ans, la grand-mère nourricière qui a grandi parmi les juifs sépharades d’Algérie ; Raymond, 91 ans, qui n’entend plus très bien mais n’en perd pas une miette ; leur fils Jacques, 65 ans, un orfèvre de la tourte Val Saint-Grégoire (pommes de terre, oignons, lardons et munster), des fleischnacka («escargots» en alsacien), ces drôles de roulés de viande de pot-au-feu et de pâte à nouilles, et surtout du pastrami, qui déclenche des crocs de faim dès qu’on y pense et dont on est venu ici pour causer. Il y a aussi Benjamin, 31 ans, le petit-fils qui s’imprègne avec une grande humilité de la transmission familiale.

C’est un repas rare car il est pétri de sentiments que l’on ne dit pas par pudeur mais que l’on vous fait partager à travers une cuisine dont les Geismar entretiennent la mémoire : la cuisine judéo-alsacienne qui raconte quelques-unes des pérégrinations des juifs dans l’histoire à travers des saveurs et des plats. «Il est vrai, c’est un patrimoine un peu particulier : il se hume, il se goûte, il se sent et il se voit. Il est plus difficile à inventorier que des synagogues, des écoles, des