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Billet

Pierre Gagnaire, le funambule par ses menus, par Jacky Durand

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Lettre d’amour au chef étoilé stéphanois, à l’occasion de la sortie de sa biographie culinaire.
Pierre Gagnaire à Paris en juin 2022. (Joel Saget/AFP)
publié le 8 novembre 2023 à 12h11

Cher Monsieur Gagnaire,

Quand on a reçu votre livre Une vie en cuisine (1), on a eu du mal à l’ouvrir. Parce que l’on déteste les titres qui «sentent le sapin», en nécrologue contraint qu’on a dû être dans ce putain de métier de journaliste. Pourtant, vous êtes bien vivant comme le dit la quatrième de couverture : «1973-2023. Après un demi-siècle en cuisine, Pierre Gagnaire se met à nu dans ce livre généreux, à la fois biographie, recueil de souvenirs et rétrospective d’une œuvre culinaire qui fera date.»

C’est vrai que dans ces 448 pages peuplées de vos menus, de vos recettes, du regard de vos proches, de photos souvenirs en famille, avec d’autres chefs, de vos cahiers de notes et surtout du très beau texte complice de Julien Fouin, vous soulevez le couvercle de votre mektoub tout à la fois flamboyant et cabossé. Sans fards ni artifices qui réduiraient votre itinéraire à un soap opera façon «Amour, gloire et bonté». Ce serait si facile tant vous êtes un artisan magicien de la gastronomie dans la Voie lactée des étoilé(e)s. Il suffit de s’arrêter sur vos recettes pour mesurer, rien qu’à la lecture, vos fulgurances, vos audaces fruits d’un esprit créatif aussi singulier que foisonnant.

Tiens, prenez votre sauce Eriang comme une tache d’encre sur les cahiers Clairefontaine que vous affectionnez. D’elle, vous dites : «J’adore le boudin, mais c’est assez difficile à servir dans un restaurant trois étoiles. Cette sauce est imaginée comme les anciennes sauces de gibi