Qu’il est sinistre, le flacon en plastique de poivre moulu au goût de poussière posé sur la table d’un restaurant, d’une cantine, d’une table familiale. On l’utilise machinalement comme la position du missionnaire sans vraiment savoir pourquoi on le fait. Va-t-il exhaler un parfum singulier ? Entrer en symbiose avec une viande, un poisson, un légume, une sauce ? Ou tout simplement répondre à un geste aussi banal qu’une sucrette dans un café amer.
Malabar
Et pourtant, s’il pouvait parler, le poivre nous raconterait l’humanité. Celui que l’on a baptisé «le roi des épices» est de toutes les gastronomies, de toutes les cuisines. L’odyssée du poivre est à la mesure de la flopée de variétés de la famille des pipéracées. A l’origine, Piper nigrum est originaire du sud-ouest de l’Inde, sur la côte de Malabar (Malichabar : «terre de poivre»), dans la région du Kerala actuel, écrit Gérard Vives dans Poivres (éd. Rouergue, 2010, 29 euros), notre indéboulonnable bible en la matière. «Dès 4 000 avant JC, la trace écrite la plus ancienne est celle trouvée sur des tablettes découvertes en basse Mésopotamie, dont le décryptage a démontré l’utilisation d’épices par la civilisation d’Uruk. Cette civilisation est citée dans l’Ancien Testament sous le nom d’Erech, précise l’auteur. Dans la Bible et, plus tard, dans le Coran, on parle de marchands d’épices ismaéliens transportant du poivre à dos de chameau.»
Vasco de Gama
C’est peu dire que le poivre a nourri toutes les convoitises, rare, ch