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Tu mitonnes

Ramadan 2024 : la recette d’une chorba de vie

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Chaque jeudi, on se retrouve en cuisine pour concocter des mets de saison. Cette semaine, deux aminches unis jusqu’au bout du bout, avec une chorba apportée tous les soirs depuis le début du ramadan.
(Emmanuel Pierrot/Libération)
par Jacky Durand et photo Emmanuel Pierrot
publié le 14 mars 2024 à 11h17

Je m’appelle Serge. Je souffre de la maladie de Charcot. C’est pire qu’être en taule. Parce je connais les deux. En taule, tu peux au moins fumer, te branler, aller en promenade, te faire une chauffe avec une boîte de conserve, de l’huile et une mèche pour améliorer l’ordinaire de la bectance de la pénitentiaire. Charcot, c’est la descente aux enfers à perpète. Ton corps malade est tes barreaux. Et plus ça va, plus c’est le mitard. Ils appellent ça une maladie neurodégénérative. Les médecins te causent un jargon professionnel comme les matons. Sauf qu’ils ont bac +10.

Cinquante balles

Moi, j’ai bac moins -10. Je cherche plus à savoir, c’est la faute à qui. Je sais juste que je suis né d’un coup mal tiré par un mec que ma mère n’a jamais revu. Fille mère comme on disait quand j’étais gone. Les ménages chez les bourgeois qui planquaient des billets de cinquante balles sous le matelas pour vérifier si elle ne les fauchait pas. On habitait la ZUP comme on disait à l’époque. Pour ma mère, c’était bien. Il y avait «une vraie salle d’eau», elle qui avait connu les chiottes au fond du jardin. Les familles de mes potes étaient italiennes, espagnoles, portugaises. Le soir, les femmes tricotaient sur les bancs de l’immeuble, les hommes braillaient comme des bœufs devant le foot à la télé et nous, on tapait d