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Mangeons l'Europe

Recettes à 27 : en Roumanie, sarmales pour un bien

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Jusqu’aux élections européennes, voyage des papilles au sein de l’UE avec, chaque jour, une recette typique d’un pays membre. Dix-huitième étape en Roumanie, avec un intense souvenir culinaire à base de chou et de farce.
Des sarmales des Balkans. (freeskyline/Getty Images)
publié le 30 mai 2024 à 11h00

Dans les petits villages du Maramures, judet – l‘équivalent de nos départements – bucolique du nord-ouest de la Roumanie, il est parfois plus facile de trouver une charmante église en bois au clocher pointu qu’un endroit où manger. Un midi, à force de chercher, on finit par entendre du bruit sortant d’une salle communale. On passe la tête à travers la porte, n’osant pas entrer. Une vieille femme nous voit, en roumain elle nous propose d’approcher. On ne comprend pas, elle nous demande d’où l’on vient, on dit «de France», et elle commence à bafouiller quelques mots dans notre langue. Souvent, mêmes dans les coins reculés, il y a toujours un ancien pour connaître un peu notre langue, apprise à l’école du temps du communisme.

Autour d’une grande table, en habits de paysans, écoutant de la musique, une dizaine de femmes cuisinent. Chacune a une tâche. L’une est devant ses casseroles, l’autre pétrit la farce, la troisième soigne les feuilles de chou, l’une encore enroule l’ensemble, d’autres regardent et discutent. Celle qui nous a fait signe d’approcher nous explique qu’un homme du village est décédé. Demain, l’enterrement aura lieu. Elles préparent des sarmale par centaines pour le repas funéraire. Evoquant les dolmas grecs, les petites feuilles de chou farcis au porc, riz, oignons et autres ingrédients, sont au cœur de la culture roumaine. Au quotidien, dans les bons et les mauvais moments.

La dame nous propose de nous asseoir dans un coin et d’en manger quelques-unes. On refuse, elle insiste. Les sarmale, servies pour l’occasion avec un verre de Fanta, sont toutes chaudes, simples et délicieuses, les meilleures depuis le début de notre voyage. Elles entrent alors dans cette rare catégorie de repas auquel, des années après, on pense encore.

Comme on n’avait pas demandé à cette grand-mère sa recette, on en a trouvé une dans IBRIK - Ma cuisine des Balkans (Marabout, 2020), livre d’Ecaterina Paraschiv-Poirson, qui tient deux établissements roumains à Paris.

Pour 6 personnes, il vous faut. Pour la farce : 1 kg de porc haché, à 30% MG (pas de chair à saucisse, mais de la poitrine de porc) ; 350 g d’oignons jaunes ; 100 g de carottes ; 2 cuil. à soupe d’huile de tournesol ; 150 g de riz rond ; 100 g de concentré de tomates ; 4 g de paprika doux ; 2 g de paprika fumé ; 1 pincée de piment d’Espelette ; 12 g de sel ; 2 g de poivre moulu ; 2 g de thym sec ; 7,5 cl de vin blanc. Pour le chou : 3,5 kg de chou fermenté (ou de chou blanc). Pour les sarmale : 100 g de lard fumé ; 500 g de tomates concassées ; 2 branches de thym ; 6 feuilles de laurier.

Débutez par la préparation de la farce. Epluchez les oignons et coupez-les en brunoise. Lavez les carottes, épluchez-les et râpez-les finement. Dans une poêle, à feu moyen-doux, faites blanchir les oignons avec un filet d’huile de tournesol, puis, ajoutez le riz et continuez la cuisson jusqu’à ce qu’il soit translucide. Incorporez le concentré de tomates et mélangez jusqu’à ce que l’ensemble soit homogène. Placez la viande dans un grand saladier et ajoutez les carottes râpées, le paprika fumé, le paprika doux, le piment d’Espelette, le sel, le poivre, le thym, le vin blanc ainsi que la préparation au riz. Mélangez vigoureusement une dizaine de minutes afin de tout amalgamer. Recouvrez le saladier de film alimentaire et réservez au frais pendant une à trois heures pour que toutes les saveurs se marient.

Si vous souhaitez réaliser du chou fermenté, reportez-vous à la recette page 132. Si vous n’avez pas la possibilité de réaliser de chou fermenté ou d’en trouver dans un magasin spécialisé, utilisez du chou blanc. Si vous avez du chou fermenté, séparez les feuilles du chou et conservez celles qui sont souples et sans trous. A l’aide d’un couteau, pratiquez une entaille à la base des feuilles de chou et ôtez les parties dures. Conservez les feuilles abîmées et les parties dures, et hachez-les finement.

Si vous utilisez du chou blanc : dans une grande casserole, mettez une bonne pincée de gros sel et plongez le chou entier. Les premières feuilles de chou vont se décoller après 3 à 4 minutes, et vous pourrez alors les couper aisément. Poursuivez la cuisson et retirez les feuilles de cette façon jusqu’à atteindre le trognon. Préparez un saladier avec des glaçons et de l’eau. Placez les feuilles à l’intérieur afin de stopper leur cuisson, puis égouttez-les et séchez-les. Les feuilles sont prêtes à être farcies. Conservez-en quelques-unes que vous hacherez pour tapisser le plat.

Montez ensuite les sarmale. Préchauffez le four à 170°C. Placez 1 feuille de chou sur le plan de travail, tige vers vous. Disposez l’équivalent d’une cuillerée à soupe de viande (environ 50 g) au bas de la feuille. Ramenez les deux côtés de la feuille sur la farce et roulez la feuille jusqu’à la pointe, en serrant bien. Renouvelez l’opération jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de farce. Tapissez le fond d’un grand plat allant au four de la moitié du chou haché finement (il protégera les sarmale lors de la cuisson). Disposez les sarmale en rangs bien serrés et superposez-les si besoin. Recouvrez-les avec l’autre moitié de chou. Tranchez finement le lard fumé.

Recouvrez l’ensemble des sarmale de tomates concassées que vous étalerez avec une spatule. Disposez le lard, les branches de thym et les feuilles de laurier sur la surface des sarmale. Versez de l’eau à hauteur, couvrez le plat d’un film aluminium et faites cuire 3h30 au four. Après 1 heure de cuisson, versez de l’eau à hauteur, puis continuez la cuisson pendant 2h30. Si vous le souhaitez, dégustez accompagné de crème fraîche et de bâtons de polenta.