Une fumée de grillade odorante s’échappe d’une gargote, embaumant la pharmacie adjacente et les stands de produits de contrefaçon en tous genres installés le long du trottoir. A l’intérieur du Califa de León, restaurant de tacos typique de Mexico, un cuistot coiffé d’une toque en papier dispose une à une des tranches de bœuf sur une plaque que la graisse a noircie après des milliers d’heures de cuisson. Un serveur fait la police devant cette échoppe qu’on appelle taquería : «Désolé, il faut faire la queue madame !» Dépitée, cette cliente compte, comme hypnotisée par la fumée blanche, la soixantaine de personnes alignées dans une queue interminable sous le soleil torride de Mexico, le long des autres commerces de rue.
C’est que cette modeste taquería fait désormais partie des 18 restaurants étoilés figurant dans le tout premier guide Michelin du Mexique dévoilé en mai, détonnant aux côtés des fameux Quintonil et Pujol des quartiers chics de la capitale. Cette étoile vient ainsi auréoler la culture gastronomique populaire locale, fine mais accessible, et qui fait la fierté des Mexicains. Car à première vue, El Califa de León a tout d’un boui-boui classique : un local d’une trentaine de mètres carrés, un mur en carrelage sur lequel est affiché un menu en feutre noir et lettres blanches, un comptoir en aluminium, une devanture simple sur une façade d’un bâtiment années 60, et des tables en plastique à même la rue. Connu des habitants de San Cosme, quartier populaire