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Tu mitonnes

Tout ce qui est de coing est d’or en cuisine

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Tu mitonnes !dossier
Chaque jeudi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, la cocotte en fonte noire fricasse un délicieux ragoût sucré salé.
«Tu verras, ce sera encore meilleur réchauffé avec ta petite famille.» (Emmanuel Pierrot/Libération)
par Jacky Durand et et GIF Emmanuel Pierrot
publié le 7 décembre 2023 à 13h17

Quand le chef de canton du PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) a réuni ses gars, il avait l’air mi-embarrassé, mi-content. Tout en bourrant sa pipe de scaferlati, il a dit : «On va toucher un nouveau gars, ce que n’est pas de trop vu le boulot qu’on abat.» Il a marqué un temps d’arrêt : «Mais c’est pas un gars de chez nous, c’est un Algérien.» Silence parmi l’équipe alors que passe dans le fracas et la vapeur une locomotive 231 PLM 6001. Pablo, l’Espagnol, est le premier à causer : «Et alors, moi non plus je ne suis pas d’ici et pourtant, vous m’avez bien accepté.» «C’est pas pareil», tranche un cantonnier. «Comment ça, c’est pas pareil ?» grogne Pablo. «C’est un bicot», dit l’autre. Le silence est lourd. L’Espagnol est réputé pour avoir la main leste. Le chef de canton finit par reprendre la parole : «Je me suis renseigné auprès du chef de district. Il s’est battu dans les troupes coloniales comme un lion. Il a plus de médailles qu’une tête de salade accrochée à son uniforme de tirailleur. Alors, je ne veux pas d’histoires.»

Vieilles traverses

Idir est arrivé à la voie ferrée un matin d’automne brouillasseux. Il a seulement dit «Bonjour à tous». Tout le monde lui a répondu sauf le gonze qui l’avait traité d’emblée de «bicot». Le chef de canton a voulu le jauger en lui faisait porter de vieilles traverses. Idir a ôté son pull en laine rêche, découvrant des muscles secs aux veines saillantes. Son épaule gauche était mâchurée d’une longue cicatric