Juliette entend la bise hurler en cette nuit de novembre et se serre contre sa grand-mère qui l’enveloppe avec son châle noir. En dépit des briques chauffées dans le four de la cuisinière et enveloppées dans des vieux torchons avant d’être placées sous les draps, il ne fait pas très chaud dans le lit où Juliette a vu le jour il y a cinq ans. Marie, sa mère, était venue la mettre au monde dans cette chambre sans chauffage. C’était ainsi, on accouchait de mère en fille dans le lit maternel. Et les hommes n’avaient pas leur mot à dire. Marius, son père, avait fait les cent pas au rez-de-chaussée dans la cuisine en buvant un broc de café et en fumant un paquet de gris.
Destin
Marie reviendra ici pour la Noël pour mettre au monde un second enfant. En attendant, elle doit rester alitée dans leur maisonnette à côté de la voie ferrée. Et Juliette passe de plus en plus de temps chez sa grand-mère. Elle murmure «Tu dors ?» en posant ses pieds sur la brique qui refroidit. «Comment veux-tu que je dorme, ronchonne la vieille femme, tu gigotes comme un lapereau dans le clapier.» La petite fille rit : «J’ai pas sommeil.» «Faut dormir, demain, j’ai du travail. Faut que je couse l’édredon pour ta petite sœur ou ton petit frère.» «Mon petit frère», décrète Juliette. «C’est pas toi qui décides, c’est le bon Dieu.» «Il décide de tout ?» «Oui, je crois.» «Alors pourquoi il a fait mourir grand-père ?» La grand-mère soupire : «Je ne sais pas mais il l’a