C’est l’un de ces jours où l’été refuse de quitter le calendrier pour laisser la place à l’automne. Non, ce n’est pas en ces temps actuels de chamboulement climatique. Non, c’est quand j’étais jeune, moi la cocotte en fonte noire au début des années 20. Autant dire il y a un siècle. On m’a installé dans le chariot du fermier à la Ponette, la jument qui fourrage délicatement les cheveux de Juliette, 4 ans, la fille de Marius et Marie qui m’ont achetée au bazar du bourg avant de se marier après la guerre de 14-18. Aujourd’hui, c’est Perceval le comtois qui tire le chariot où je suis coincé entre de vieux tonneaux vides qui exhalent un parfum de fruit fermenté. Sur la banquette, il y a le fermier à la Ponette qui tient les rênes du gros cheval au pas indolent. Juliette est assise entre ses parents.
Noisetiers
De la maisonnette des chemins de fer PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) où ils habitent jusqu’au bourg, il y a bien une grosse demi-heure pendant laquelle les hommes disent qu’il n’y a plus de saison. «Plaignez-vous, sourit Marie, c’est tout de même agréable cette chaleur en octobre.» «On voit bien que ce n’est pas toi qui as passé l’été à soulever des traverses de 80 kilos sous le cagnard», bougonne Marius. «Et en plus, tu t’es tapé les moissons et le regain avec nous», ajoute le fermier. Il chique par terre en traversant la rue principale du bourg, déserte : «Ils sont tous à la messe ces culs-bénits. C’est pas leur bon dieu qui va faire notre ouvrage.»