Il résume son rôle à ce triptyque : «Apaisement, communication et bienveillance.» Et avec la touche d’élégance qui le caractérise, Georges Fuller, 61 ans, tente d’y coller au plus près à la Bellevilloise (75020). Dans cette ancienne «coopérative ouvrière de consommation», reconvertie en restaurant-salle de concert-club dans les années 2000, le dandy occupe depuis huit ans le poste de responsable de la sécurité. Il lui incombe le bon déroulé des soirées, la gestion des vigiles et l’octroi du droit d’entrer aux noctambules dans cet antre de la fête de l’est parisien. «On vit dans un monde de frustration, donc le malaise de la journée se reflète la nuit, ce qui fait que le public est souvent plus violent qu’avant envers les agents», remarque le portier.
Originaire du Cameroun, où il a été commercial dans l’export de cacao dans une autre vie, Georges Fuller dit avoir «toujours aimé la nuit». Mais elle ne devient qu’un métier au tournant des années 90 après une première expérience à la porte d’une boîte de nuit parisienne. «Des copains boxeurs m’ont demandé de travailler avec eux un soir. Dans ma tête, faire la sécurité rimait avec violence, mais j’y suis allé par curiosité et j’y ai découvert une passion», poursuit celui qui a autant bossé pendant trente ans pour des discothèques de stations de ski (à Risoul, dans les Hautes-Alpes, notamment), que pour des clubs gays (le Cud, dans le Marais) ou libertins (le Sultana, à Pigalle) parisiens. En parallèle, fasciné par les jeux de lumières et les lasers, il a aussi beaucoup guinché durant les folles années du Queen et des Bains Douches. «Aujourd’hui, je fais plus de restaurants», concède-t-il.
Ta définition de la nuit ?
«La nuit c’est le mystère, un moment où on s’évade, un moment de liberté, de jouissance, de rencontres et un moment de fête. Mais malheureusement ce n’est pas toujours le cas. Il y a cette réalité : les gens qui sortent souvent ne sont pas tout le temps dans le même état d’esprit, il y a ceux qui sortent pour faire seulement la fête, ceux parce qu’ils s’emmerdent et ceux parce qu’ils sont poussés par leurs démons. Mon rôle c’est de désamorcer, enlever ce côté maléfique pour rendre les choses plus agréables.»
Un souvenir ?
«Il y a des choses qui marquent en bien ou en mal. Faut-il croire aux histoires qu’on te raconte la nuit, comme ce médecin alcoolisé qui à trois heures du matin te dit qu’il doit opérer à 6 heures ? Je me souviens d’un soir quand je bossais pour un club libertin : un couple arrive et l’épouse se jette dans mes bras en pleurant pour me dire qu’elle n’aimait pas ce lieu et qu’elle était là pour ne pas perdre son mari. J’ai essayé de la réconforter. Quelques minutes plus tard, elle faisait la fête. C’est que je l’ai émue et que j’avais sa confiance. Il m’arrivait même que des femmes me demandent de leur trouver des couples dans leur style.»
Ta B. O. ?
I Will Survive de Gloria Gaynor. C’est une chanson très associée à la fête et à la nuit. C’est l’espoir, c’est la vie.»
Ton look ?
«Je suis toujours en costume trois-pièces, avec une cravate noire ou rouge. Je porte des couleurs sobres : du gris ou du bleu. Ce sont des tenues classiques, pour le respect de moi-même et des autres. Je ne mets pas de couleurs bling-bling. Je dois incarner l’autorité et l’apaisement, pas jouer au playboy.»
Previously dans «C'est reparty»
Ton prochain week-end ?
«Je serai à la porte de Bellevilloise jusqu’à 3 heures du matin, prêt à accueillir les gens pour la Vendredi XXL comme d’habitude avec enthousiasme. A partir de 4 heures, je peux me déplacer dans le club, mais je peux être appelé à l’intérieur à tout moment pour une situation de crise. Par exemple, au bar quand un bonhomme n’arrive pas à régler ce qu’il a consommé. Je dois alors trouver les mots pour débloquer la situation. La sécu intervient quand il n’y a plus de communication possible. Autrement la personne peut se sentir humiliée.»