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Fake news

Complotistes, extrémistes, «antivax»… Le grand retour de la désinformation sur le Twitter d’Elon Musk

Avec la nouvelle politique du magnat libertarien depuis fin octobre, 27 000 comptes précédemment suspendus pour avoir enfreint les règles du réseau social auraient été rétablis.
Elon Musk à Washington le 5 août 2022. (Samuel Corum/AFP)
publié le 9 janvier 2023 à 15h18

Il avait annoncé ces retours fin novembre. Sous la direction d’Elon Musk, Twitter a récemment rétabli des dizaines de milliers de comptes, dont certains appartenaient à des complotistes ou des opposants à la vaccination, au risque de relancer un phénomène de désinformation sur le réseau social. «Rétablir ces comptes va faire de la plateforme un aimant pour les acteurs qui veulent répandre des fausses informations», prévient ce lundi Jonathan Nagler, co-directeur du Centre sur les réseaux sociaux et la politique de l’université de New York. «Et il y aura moins de modération des discours haineux, ce qui va rendre le réseau moins hospitalier pour beaucoup d’utilisateurs», ajoute-t-il.

Selon le développeur Travis Brown, cité par plusieurs organisations, plus de 27 000 comptes restaurés avaient été suspendus pour motif de désinformation, d’harcèlement et de manifestations de haine. Il a cependant affirmé que sa liste était incomplète et que le nombre de ces comptes pourrait être plus élevé.

Dangers des vaccins

Parmi les personnalités de retour sur le réseau social, figurent des représentants de la mouvance «antivax» américaine, comme le cardiologue Peter McCullough ou encore le médecin Robert Malone. Ce dernier avait été suspendu, il y a un an, pour avoir mis en garde contre la dangerosité supposée des vaccins contre le coronavirus, sans information vérifiée à l’appui. Depuis la levée de la suspension son compte, qui rassemble plus de 869 000 abonnés, Malone a publié plusieurs messages relayant de fausses informations sur le vaccin contre le Covid-19. D’autant que Twitter a décidé fin novembre de lever son règlement qui visait à lutter contre les publications fausses dans le domaine de la lutte contre la pandémie.

Autre ancien paria de nouveau autorisé : l’ancien président Donald Trump, qui se tient néanmoins, pour l’instant, à sa promesse de ne pas revenir et de n’utiliser que le réseau social Truth Social, qu’il a lui-même créé l’an dernier. L’homme d’affaires influent, Mike Lindell, fait également partie de ceux qui ont repris le flambeau. Suspendu à deux reprises en 2021, le PDG de la société My Pillow et soutien inconditionnel de l’ex-chef d’Etat américain a appelé, dès le rétablissement de son compte, à «fondre les machines électroniques de vote pour en faire des barreaux de prison». Une référence directe à la théorie complotiste selon laquelle le décompte des voix lors du scrutin présidentiel de 2020 a été manipulé avec l’aide des machines à voter, ce qui n’a jamais été démontré.

Egalement réadmise sur Twitter : la militante d’extrême droite Pamela Geller, présentée par l’organisation juridique de lutte contre l’extrémisme Southern Poverty Law Center comme «l’une des activistes anti-musulman les plus flamboyantes des Etats-Unis».

«Super-propagateurs»

La modération de Twitter a été prise en défaut à plusieurs reprises ces derniers jours, notamment après l’arrêt cardiaque d’un joueur de foot américain, Damar Hamlin. Le grave incident subit par le membre de l’équipe des Buffalo Bills, 24 ans, après un choc sur le terrain a été l’occasion pour de nombreux utilisateurs de Twitter de faire un lien avec le vaccin contre le coronavirus. «Avant les vaccins contre le Covid, on ne voyait pas des athlètes tomber raide sur le terrain comme cela arrive aujourd’hui», a tweeté l’élue républicaine à la Chambre des représentants Marjorie Taylor Greene, adepte des théories complotistes de QAnon.

Des manquements qui ont été notés par l’analyste Jack Brewster, de l‘observatoire des médias NewsGuard : «Sous l’ère Musk, les ‘’super-propagateurs’' de désinformation se sentent encouragés et les lecteurs ont moins d’éléments à disposition sur la fiabilité des sources».

Mi-décembre, Twitter avait défendu sa politique de réintégration en arguant qu’une «suspension permanente était une mesure disproportionnée pour avoir enfreint les règles» du réseau social. Elon Musk a ensuite précisé que l’entreprise «restait déterminée à empêcher les contenus dangereux» sur son site ainsi que les «acteurs malveillants», et que «les comptes rétablis doivent toujours respecter nos règles».

Si le magnat a récemment affirmé qu’il prévoyait de céder la direction de Twitter, il en «faudra plus pour réparer» la plateforme, avertit Nora Benavidez, de l’observatoire des médias Free Press. Il sera nécessaire, prévient-elle, de prendre «une série de mesures pour revenir sur les changements de Musk, réinvestir dans la modération et restructurer la gouvernance de la plateforme».