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Libération
Univers parallèle

Facebook annonce 10 000 embauches en Europe pour bosser sur son metaverse

L’annonce survient dans un contexte tendu pour l’entreprise californienne, après une série de pannes et les accusations d’une lanceuse d’alerte selon qui Facebook fait tout pour rendre les adolescents accros aux réseaux sociaux.
Photo d'archives. (Josh Edelson/AFP)
publié le 18 octobre 2021 à 7h47

Après un été de surenchère verbale, Facebook passe aux travaux pratiques. Le géant américain des réseaux sociaux a annoncé prévoir d’embaucher 10 000 personnes d’ici à cinq ans dans l’Union européenne pour travailler sur le metaverse, ce monde parallèle numérique qui est le graal de Mark Zuckerberg, fondateur et patron de Facebook.

D’un point de vue social et technologique, ce metaverse «est une révolution aussi grande que l’Internet mobile», a fanfaronné Laurent Solly, patron de Facebook pour l’Europe du Sud interrogé lundi matin sur France Info.

L’annonce de Facebook survient dans un contexte tendu pour l’entreprise californienne, qui a besoin de redorer son blason alors qu’elle est régulièrement accusée d’ignorer les impacts sociaux négatifs de ses activités. La dernière salve est venue début octobre de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, une ancienne employée de Facebook, qui accuse le groupe américain de pousser les adolescents à utiliser toujours plus ses plateformes, au risque de provoquer une addiction.

«Cet investissement est un vote de confiance dans la force de l’industrie technologique européenne et le potentiel des talents technologiques européens», ont indiqué dans un article de blog le Britannique Nick Clegg et l’Espagnol Javier Olivan, deux des plus hauts responsables du groupe qui compte aujourd’hui plus de 63 000 salariés.

Aucun détail précis n’est donné sur les pays où seront localisés les futurs emplois, ni sur le type d’emplois concernés. «Le besoin d’ingénieurs hautement spécialisés est l’une des priorités les plus urgentes de Facebook», se contentent-ils de souligner.

«Une entreprise du metaverse d’ici à cinq ans»

Le «métavers», contraction de méta-univers («metaverse» en anglais), est une sorte de doublure numérique du monde physique, accessible via Internet. Meta, «au-delà de» en grec, et «verse» pour l’anglais universe. Le terme vient tout droit de la science-fiction des années 90 et est signé Neal Stephenson. Dans son livre, le Samouraï virtuel, l’auteur imagine un cyberespace parallèle à la réalité physique. Un univers où, sous forme d’avatar en pixels, chacun pourrait se déplacer, interagir, travailler. Où les lois physiques de la gravité, du temps, de l’espace pourraient être répliquées en lignes de code. Ou bien totalement bousculées.

Tout ça, Mark Zuckerberg veut en faire une réalité. Dans sa version du metaverse, explique-t-il, les utilisateurs pourront se «téléporter» du monde réel physique vers le virtuel. Et selon son grand manitou, Facebook sera devenu le nom d’une «entreprise du metaverse d’ici à cinq ans», plus que celui d’un réseau social. Autrement dit, en 2026, le monde IVL («in virtual life») n’aurait presque plus rien à envier à celui IRL («in real life»).

Grâce notamment à la réalité virtuelle et augmentée, il devrait permettre de démultiplier les interactions humaines, en les libérant des contraintes physiques, via Internet. Il pourrait par exemple offrir la possibilité de danser dans une boîte de nuit avec des personnes situées à des milliers de kilomètres, mais aussi d’acheter ou de vendre des biens ou services numériques, dont beaucoup restent encore à inventer.

«La qualité essentielle du metaverse sera la présence – le sentiment de vraiment être là avec les gens», expliquait Mark Zuckerberg en juillet sur son profil Facebook. Il ne s’agit pas simplement de créer «une nouvelle expérience formidable», mais aussi «une vague économique qui pourrait créer des opportunités pour les gens dans le monde entier», avait-il également expliqué dans une interview vidéo lors du salon parisien VivaTech en juin.

L’un des leaders mondiaux de la réalité virtuelle

Dans leur message, Nick Clegg et Javier Olivan rendent un hommage appuyé au rôle joué par l’Europe dans la régulation contre les excès d’Internet. «Les décideurs européens ouvrent la voie en aidant à intégrer les valeurs européennes telles que la liberté d’expression, la vie privée, la transparence et les droits des individus dans le fonctionnement quotidien d’Internet. […] L’Europe a un rôle important à jouer dans l’élaboration des nouvelles règles d’Internet», soulignent-ils.

Ils répètent par ailleurs que Facebook ne cherche pas avec le metaverse à construire un nouvel univers fermé, à l’image de son réseau social. «Aucune entreprise ne possédera ni n’exploitera le metaverse», affirment-ils. «Comme Internet, sa caractéristique principale sera son ouverture et son interopérabilité. Pour lui donner vie, la collaboration et la coopération seront nécessaires entre les entreprises, les développeurs, les créateurs et les décideurs politiques», estiment-ils.

Facebook est déjà l’un des leaders mondiaux de la réalité virtuelle avec son casque Oculus, issu de l’entreprise du même nom rachetée en 2014 pour 2 milliards de dollars. En septembre, Facebook a annoncé qu’il avait nommé au poste de directeur technologique Andrew Bosworth, dirigeant de Facebook Reality Labs et à ce titre un de ses spécialistes du metaverse.

Le géant américain n’est pas le seul à parier sur ce monde virtuel. Epic Games, l’entreprise derrière Fortnite, a indiqué qu’une partie du milliard de dollars levé cette année auprès d’investisseurs institutionnels, dont Sony, serait consacrée au metaverse. Sur Decentraland, une plateforme en ligne considérée comme l’un des précurseurs du metaverse, il est ainsi désormais possible de décrocher un job de croupier dans un casino virtuel.