La «communauté» de solidarité féminine s’était activée pour retrouver Philippine, la jeune étudiante de 19 ans dont le corps a été retrouvé samedi 21 septembre, à l’orée du bois de Boulogne, à Paris. Vue pour la dernière fois la veille, à 14 heures, elle avait fait l’objet d’une recherche active de la part de ses proches et de sa famille. Ces derniers avaient alerté les autorités, en organisant une battue là où son téléphone avait été géolocalisé pour la dernière fois. Et en envoyant une notification depuis l’application The Sorority, qui regroupe un immense réseau de femmes et de personnes issues des minorités de genre, prêtes à se porter assistance.
Qu’est-ce que The Sorority ?
Une application, gratuite, à télécharger sur n’importe quel smartphone. Même si elle est l’œuvre d’une Française, Priscillia Routier-Trillard, elle fonctionne au-delà des frontières de l’Hexagone : elle a été traduite en treize langues depuis son lancement en 2020. Elle regroupe des femmes et des personnes issues des minorités de genres, après vérification d’identité. La fondatrice parle d’une «communauté». «De la pure entraide citoyenne», résume-t-elle à Libération. Elle a pour but de «faire face ensemble notamment aux violences conjugales, intrafamiliales et à toutes les formes de harcèlement».
Concrètement au quotidien, à quoi sert l’application ?
Toutes les personnes ayant été approuvées par les équipes modératrices peuvent, si elles se sentent en insécurité, émettre un signal. «Que l’on soit suivie dans la rue, ou que l’on se sente en danger dans les transports en commun, au bureau, à l’école, en soirée, en festival, ou même chez soi», développe Priscillia Routier-Trillard. Il suffit d’appuyer sur le bouton «Active l’alerte», au centre de l’écran principal. Un signal est alors envoyé aux cinquante premières personnes détentrices de l’appli qui se situent autour de soi, «sans limitation géographique». Ces dernières sont ensuite amenées à appeler la personne en situation de vulnérabilité, lui envoyer des messages et même contacter les autorités pour elle.
«Contacter directement la personne, cela permet de faire baisser le stress et l’effet de sidération, explique la responsable. On peut lui proposer de la rejoindre en faisant semblant de la connaître, par exemple». L’objectif de cette tactique ? Inverser cet effet de sidération, qui se reporte alors l’agresseur. En quatre ans, les chiffres restent constants, signe d’efficacité de l’application : en une minute, environ 10 à 15 personnes prennent contact avec la personne ayant sonné l’alerte.
Et si je vis en zone rurale ?
La communauté de The Sorority ne se limite pas qu’aux grandes villes. Priscillia Routier-Trillard évoque de véritables «clusters» s’étant développés dans «des endroits improbables». «Chaque personne qui télécharge The Sorority a le pouvoir de rendre plus sécurisés sa rue et son quartier, en en parlant à ses voisins et ses amis», argue-t-elle. Plus l’application sera téléchargée, moins les femmes et minorités de genre resteront isolées.
Comment l’application a-t-elle permis d’aider à retrouver le corps de Philippine ?
Ce n’est pas la jeune étudiante qui a émis l’alerte. Priscillia Routier-Trillard raconte comment, ce samedi 21 septembre, «une proche de la famille» lui a «directement écrit» pour lui demander d’émettre un avis de recherche sur tous les appareils des utilisatrices. «On l’a diffusé vers 14 heures à nos utilisatrices, donc 110 000 personnes. La battue était prévue à 15 h 30, et Philippine a été retrouvée 30 minutes plus tard», se remémore-t-elle. C’était la première fois que l’application était utilisée de cette manière-là. S’il est impossible de savoir combien de personnes se sont mobilisées à la suite de l’alerte lancée sur The Sorority, elle a été beaucoup relayée sur les réseaux sociaux : nombre d’internautes se sont émues d’avoir reçu le signalement.
le corps d’une jeune étudiante a été retrouvée au bois de boulogne hier soir, on avait eu l’alerte sur the sorority…
— 𝕮𝖑𝖊𝖆𝖓𝖙𝖍𝖆 (@okvssy) September 22, 2024
Depuis, 6 000 personnes ont fait une demande d’inscription auprès de The Sorority, indique sa fondatrice.
Les hommes peuvent-ils s’y inscrire ?
Pour le moment, non. Mais Priscillia Routier-Trillard indique qu’une nouvelle version de l’application en cours d’élaboration permettra un accès parallèle, sécurisé et dédié aux hommes qui subissent des violences (conjugales, intrafamiliales), ou encore l’homophobie. Sans que cela ne remette en cause la non-mixité de la communauté de base.