En apparence anodin, l’émoji pizza au fromage est apparu dans de nombreux pseudos TikTok ces dernières semaines avec une utilisation détournée à des fins pédocriminelles. Au point que dans une vidéo publiée sur le réseau social X le 24 mars, la police nationale a évoqué un «phénomène inquiétant» qui suscite de «nombreux» signalements. «Comme souvent, [les pédocriminels] avancent largement masqués», commente François Debelle, membre de la plateforme collaborative Jonas contre la pédocriminalité auprès de Libération. Si on ignore qui est à l’origine de l’utilisation de l’émoji pizza au fromage sur Tiktok, on en connaît le sens. Il se dit «cheese pizza» en anglais, et ses initiales «cp» sont les mêmes que pour «child porn», «pédopornographie» en français.
Pour ne pas se faire repérer, ces comptes TikTok utilisent un code, ici une pizza, qui les rend identifiables par les pédocriminels seulement. Via des «images de jeunes filles mineures, parfois dans des poses suggestives […], [qui] ne relèvent pas toujours d’une infraction pénale immédiate», explique la représentante de la police sur X, ces comptes «attirent les individus vers des plateformes comme Telegram où des contenus pédocriminels sont monnayés». En août 2024, le fondateur de la messagerie cryptée, Pavel Durov, avait d’ailleurs été placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour plusieurs motifs, dont complicité de détention de pédopornographie.
Plateforme Pharos
D’après un rapport du FBI de 2007, publié au moment des WikiLeaks et republié par le média collaboratif Jonas dans leur article les Symboles utilisés entre pédophiles du Net, la pizza un symbole parmi d’autres utilisés par les pédocriminels pour se reconnaître entre eux. Un triangle bleu enroulé sur lui-même permettrait aux criminels de signifier qu’ils recherchent des petits garçons, un cœur rose des petites filles, et un papillon rose et violet des enfants très jeunes.
Reportage
L’association activiste française Eunomie, qui piège les pédocriminels avec des faux comptes d’adolescents sur les réseaux sociaux, a déjà infiltré des réseaux pédocriminels pour «comprendre les techniques et la psychologie des criminels». Shiva, leur directeur sous pseudo, rappelle auprès de Libé un autre code qui circulait en 2019 : l’ajout du «#map» dans leurs messages échangés sur X notamment, pour «minor-attracted person» : en français, «personne attirée par des mineurs». S’ensuivaient d’autres hashtags qui donnaient des précisions codées sur ce qu’ils recherchaient : «Je suis un pédo qui veut que ça reste virtuel, je suis un pédo qui veut rencontrer des enfants», illustre-t-il. «Ça s’est arrêté parce que c’était connu et qu’ils étaient grillés», conclut l’activiste.
D’où l’importance de cette nouvelle campagne de communication de la police sur l’émoji pizza, qui permet de révéler au grand jour un code que les pédocriminels voulaient voir rester secret. Les forces de l’ordre appellent tout un chacun à «signaler ce type de comptes tout de suite sur la plateforme Pharos», en charge des contenus illicites présents sur Internet. Et de rappeler : «Acheter, partager ou posséder ces images est une infraction pénale grave» punie «en France, jusqu’à 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende.»
En septembre, l’association Eunomie revendiquait pour sa part avoir fait condamner 111 personnes «sur environ 400 dossiers transmis à la justice» depuis 2021.