Deux imposantes arches de plus deux mètres pour 3,5 tonnes, équipées de caméra et d’écran, plantées à New York et Dublin. Une expérience «en temps réel, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, invitant des personnes de différentes cultures à se rencontrer au-delà des frontières et des différences», espérait le groupe Portals, à l’origine du projet artistique. Si ces portails avaient tout du chat vidéo en ligne entre inconnus situés à 5 000 km de distance, ils ont hélas subi les mêmes dérives.
Moins d’une semaine après son installation, le 8 mai, l’œuvre d’art a été temporairement fermée par les autorités irlandaises lundi. En cause : les «comportements inappropriés» de quelques personnes, selon la ville de Dublin.
Sans transmission sonore, les passants ne pouvaient miser que sur l’image pour communiquer, et se contentaient au début de salutations souriantes, de pancartes «Welcome to Dublin» et de danses irlandaises. Mais ces gestes sympathiques ont vite cédé la place à des images pornographiques, de croix gammées, ou des tours jumelles enflammées lors du 11 septembre 2001. Côté américain, une créatrice de contenus new-yorkaise a exhibé sa poitrine aux Dublinois.
The New York / Ireland portal bouta start a war😭😭😭 pic.twitter.com/0QTCmFVGvJ
— SolP (@SolProduced) May 11, 2024
«Si nous ne pouvons pas contrôler ce genre d’actions, nous allons nous pencher sur des solutions techniques pour régler ce problème», a annoncé lundi le conseil de la ville de Dublin. Parmi les solutions envisagées, un potentiel floutage des contenus jugés problématiques, bien que la solution paraisse complexe à mettre en place.
Pour le moment, faute de mieux, les portails ont donc cessé d’émettre. «En moins d’une semaine, les Dublinois nous ont fait honte dans le monde entier», a déploré la journaliste Amy Donohoe pour le Irish Independent, «le portail devrait être une source de fierté, mais nous nous donnons en spectacle».
«L’immense majorité s’est comportée correctement»
De son côté, l’organisation Flatiron Nomad Partnership, qui s’occupe de la zone dans laquelle se trouve le portail new-yorkais à Manhattan, a annoncé miser sur l’ajout de barrières et de personnel de sécurité pour limiter les risques de genre de débordement. «L’immense majorité des visiteurs se sont comportés correctement et ont expérimenté avec grand plaisir le sentiment de connexion qu’escomptait procurer cette œuvre d’art publique», a toutefois nuancé l’organisme.
Hilarious that they turned off the portal *and* added barriers so people can’t reach the camera
— gaut (@0xgaut) May 15, 2024
The social experiment is going well pic.twitter.com/4dTr5MopzM
Installé le 8 mai, le portail reliant New-York et Dublin ne devrait fermer pour de bon qu’en automne. Le groupe Portals avait déjà relié la ville de Vilnius, en Lituanie, à Lublin en Pologne, avec ce même dispositif.
En 2017, l’acteur Shia Labeouf se prêtait lui aussi à l’happening artistique diffusé en direct dans un lieu public – cette fois en protestation contre Donald Trump – avec un résultat tout aussi déroutant. En partenariat avec le Musée de l’image animé de New York, le projet, baptisé «Il ne nous divisera pas», appelait le public à prononcer ces mots devant une caméra placée dans la rue. Entre message nazi et coups de feu à proximité, l’exposition avait été interrompue moins d’un mois après son lancement pour des raisons de sécurité.