Chaque semaine dans les «400 culs», Agnès Giard, anthropologue rattachée à l’université de Paris Nanterre, spécialiste du Japon, passe les discours et les pratiques sexuelles contemporaines au crible d’une analyse sceptique et distanciée, nourrie par les dernières recherches en sciences humaines et sociales.
«Rebelle», «énigmatique», «taciturne», «anticonformiste»… Le mythe du «mâle sigma» s’est emparé des réseaux sociaux qui le présentent volontiers comme un esprit libre : le sigma, individualiste, suivrait ses propres règles. Sa séduction serait irrésistible, affirment les coachs en ligne (The sigma blueprint, Achieve greatness, etc) car «les femmes aiment les hommes qui dégagent de l’assurance». «Les femmes sont fascinées par lui, mais il n’en a cure», insistent les experts autoproclamés. «Il ne cherche pas à plaire, ce qui le rend très désirable.» Certains magazines féminins vont jusqu’à présenter le sigma comme un individu à éviter, car trop «sauvage», accréditant l’idée que ce fantasme pourrait devenir réalité. Dans la vraie vie, pourtant, le sigma n’existe pas. C’est le miroir aux alouettes. Son nom n’est qu’une lettre (la dix-huitième de l’alphabet grec) associée à un système de classement pernicieux. «Ce système valorise un idéal de virilité qui encourage, encore et toujours, la compétition entre hommes», nous explique Mélanie Gourarier, anthropologue spéciali