C’est désormais un classique. A l’approche de la présidentielle, les jeux de société se piquent de politique. Fin janvier, le site d’information parodique le Gorafi lançait, en partenariat avec l’association Civicpower, Cryptopolitics, un album de cartes aux effigies des candidats à la présidentielle, à collectionner en ligne. Dès le mois de mars, en fonction de la cote de popularité du candidat – mise à jour en temps réel en fonction des sondages –, elles coûteront plus ou moins cher aux joueurs qui devront constituer la meilleure équipe pour mener des combats politiques.
A lire aussi
La Course à la présidence, un autre jeu politique sorti mi-décembre et financé grâce à la plateforme participative Ulule, propose, lui, de briguer les fonctions de chef d’Etat. «L’idée a germé pendant les dernières municipales. Je me suis dit que ce serait drôle de créer un jeu qui évoque les travers de la politique avec humour», explique Victor Nicaud, son concepteur et chef de projet dans l’informatique. Chacun des participants – de deux à six – incarne un candidat à une présidentielle (Emmanuel Macron, Donald Trump, Vladimir Poutine…) et le but est tout bêtement de convaincre un maximum d’électeurs. Tout au long de la partie, les sondages, les ralliements ainsi que le budget évoluent au gré des actions plus ou moins heureuses des joueurs. Lorsque la pioche commune est épuisée, le joueur qui comptabilise le plus de voix remporte l’élection. Et tous les coups sont permis : les candidats peuvent faire des fausses promesses, bénéficier de fonds douteux ou avoir recours à des stratégies loufoques pour freiner la progression des adversaires. Comme raconter son enfance afin de s’attirer la sympathie des électeurs ou préparer ses militants à braquer une banque afin de récolter un maximum de fonds.
Pommes de terre
Ces jeux, qui visent autant à faire de la pédagogie qu’à divertir en surfant sur l’élection où les Français votent le plus, ne sont pas une nouveauté. En 2011, Casse-toi pov’con, édité par Cocktail Games – qui en proposera une suite cinq ans plus tard – reprenait la fameuse invective de Nicolas Sarkozy au Salon de l’agriculture en 2008. Son principe : des personnalités politiques, présentées sous la forme de pommes de terre, doivent grimper par tous les moyens dans les sondages. «Il s’est écoulé à plus de 30 000 exemplaires, ce qui est énorme pour un jeu politique», note Matthieu d’Epenoux, à la tête de la maison d’édition Cocktail Games.
En 2012, sous le quinquennat de François Hollande, le jeu de plateau la Course à l’Elysée, édité par Letheia et imaginé par Christophe Blain et Abel Lanzac, les auteurs de la bande dessinée Quai d’Orsay (2011, Dargaud), invitait le public à mener une campagne présidentielle. La même année, Marabout sortait lui Elisez-moi !, où on pouvait jouer autour des véritables programmes des candidats. Quelques mois avant la victoire de Macron en 2017, l’association culturelle Studio Megalo avait élaboré Manigances : à la tête d’un parti politique, chacun doit collecter un maximum de voix afin d’entrer au gouvernement. Les ventes ont été plutôt timides : entre 2 000 et 5 000 exemplaires écoulés, essentiellement pendant les fêtes.
Troupeau de moutons-électeurs
Plutôt d’un esprit bon enfant, ces jeux peuvent parfois se vouloir très «politisés». C’est le cas de Leadersheep (Mad Edition), sorti en janvier : conçu par Geoffroy de Villepin, un cousin éloigné de l’ancien Premier ministre, il propose de se projeter en candidat à l’Elysée et de redoubler de promesses face… à un troupeau de moutons-électeurs. «J’ai voulu dénoncer le sort qui est réservé aux électeurs, explique le business manager qui dit en vendre 300 exemplaires par mois. Peu de gens se retrouvent dans les candidats en lice. Il y a une vraie fracture.» Son ambition, dit-il, est aussi éducative : «Dès l’âge de 10 ans, on peut commencer à comprendre que dès que l’on est candidat à la présidentielle, on est amené à faire des fausses promesses. Les politiques se moquent de nous, alors pourquoi ne pas s’en jouer ?»