Menu
Libération
Inclusion

Jeux paralympiques Paris 2024 : «En faisant les JO en deux temps, on nous met à nouveau à l’écart»

Après la clôture des Jeux olympiques, ce sont désormais les Jeux paralympiques qui sont attendus, à partir du 28 août prochain. «Libé» a interrogé des personnes en situation de handicap pour savoir ce qu’elles attendent de l’événement.
Hakim Arezki, joueur de l'équipe de France de cécifoot, au stade Georges-Carpentier à Lens, le 14 août, (François Lo Presti/AFP)
par Adèle Petit
publié le 15 août 2024 à 13h08

Inscrivez-vous pour recevoir gratuitement notre newsletter Libélympique tous les matins pendant les Jeux paralympiques.

«Je vais aller voir les épreuves de basket, de natation et de handball aux Jeux paralympiques !» se réjouit Catherine. Le sport fait partie intégrante de la vie de cette femme hémiplégique de 59 ans, qui a pratiqué durant plusieurs années le boccia (un sport de boule de type pétanque) et la sarbacane à haut niveau. Olivier, atteint d’un handicap moteur cérébral, regardera quant à lui les épreuves à la télévision. En 2012, il avait assisté aux Jeux paralympiques de Londres, après avoir remporté un concours de courts métrages destiné aux personnes en situation de handicap.

Comme Catherine et Olivier, nombreux sont ceux qui attendent les Jeux paralympiques, qui se tiendront du 28 août au 8 septembre à Paris, avec beaucoup d’enthousiasme. William, 24 ans, qui garde encore un souvenir ému des JO de Tokyo, se surprend à rêver : «Ces sportifs sont des vecteurs et montrent aux personnes en situation de handicap que, malgré les difficultés, tout est possible avec de la volonté.» Vivant dans un fauteuil depuis son enfance, William affectionne tout particulièrement ces Jeux qui «permettent de mettre en lumière des minorités qui sont encore souvent marginalisées». «Quelquefois on aimerait être reconnus à notre juste valeur. Il ne faut pas oublier que dans les actes de la vie quotidienne, on doit toujours donner deux fois plus que les autres», assure le jeune homme.

«Je vais regarder des compétiteurs !»

Sophie, 59 ans, n’est pas sur la même ligne : pour elle, les Jeux paralympiques n’ont pas pour vocation de donner de la visibilité aux personnes en situation de handicap, bien au contraire : «C’est impressionnant non pas parce qu’ils font ça, bien qu’ils soient handicapés, mais parce que ce sont des athlètes qui se donnent à fond. Je vais regarder les Jeux paralympiques de la même manière que les Jeux olympiques. Je ne vais pas observer s’il leur manque un bras, un œil… Je vais regarder des compétiteurs !» Victime d’un accident de la route en 2007, Sophie est en fauteuil roulant. «Pour moi “être en situation de handicap” c’est un statut. On m’a collé cette étiquette comme si je ne pouvais plus travailler et que je devais être une petite assistée toute ma vie» s’agace Sophie, qui, après une reconversion dans la pâtisserie, a participé à l’émission les Meilleurs Pâtissiers et a décroché la médaille olympique dans le cadre des Jeux paralympiques des métiers.

Frédéric, un ancien dessinateur ambulant atteint de sclérose en plaques, estime au contraire qu’on ne parle «pas assez des Jeux paralympiques dans les médias». «J’espère que ça va changer. On parle beaucoup de Teddy Riner à la télé, on l’a tous suivi pendant des années, mais je ne connais pas un seul athlète handisport» affirme-t-il. En 2021, le rapport d’activité du CSA (désormais Arcom) révélait en effet que 0,6 % des individus présents à la télévision sont des personnes en situation de handicap. «A la télé, on ne parle pas non plus des athlètes en situation de handicap, poursuit Olivier. Beaucoup de journalistes télévisuels pensent qu’on n’est pas assez performants.» Selon lui, les sponsors sont la cause de ces disparités. Ceux-ci se tournent principalement vers les sportifs valides, leur permettant ainsi de gagner de l’argent et de vivre de leur sport. Les personnes en situation de handicap, rarement sponsorisées par des marques, se retrouvent, quant à elles, sans moyens financiers.

«Avant, les gens nous regardaient de manière bizarre»

William est plus optimiste et constate que la question du handicap commence malgré tout à prendre place dans l’espace médiatique. Le film Un p’tit truc en plus en est, pour le vingtenaire, la preuve : «Pour la première fois, un réalisateur a osé mettre sur un plateau de tournage des comédiens en situation de handicap. C’est quelque chose qui peut paraître anodin mais ça fait changer les mentalités.» Selon William, les Jeux paralympiques participent notamment à leur donner de la visibilité et impactent significativement la vie de ces personnes : «Avant, quand on sortait dans la rue, les gens nous regardaient de manière bizarre. Aujourd’hui c’est un sujet qui se banalise et c’est ce qu’il faut.»

Pour autant, il reste des progrès à faire. La cérémonie de clôture des JO s’est révélée «discriminante» aux yeux de Sophie, «avec le départ du drapeau à Los Angeles et la cérémonie de clôture. Cela aurait dû avoir lieu à l’issue de tous les Jeux, qu’ils soient valides ou handicapés ! Ils vont refaire une ouverture ? Rallumer une flamme tordue pour marquer le coup ? C’est limite révoltant pour les compétiteurs à venir !» Cette organisation révolte aussi Frédéric : «Il y a quinze jours d’intervalle entre les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques. C’est trop ! Il faut remobiliser les forces de l’ordre, les gens…» Sophie abonde : «En faisant les JO en deux temps, on nous met à nouveau à l’écart. Si on met les épreuves des personnes handicapées et des valides dans la même journée, il y aura le même public. En plus, on n’a pas besoin d’adapter le terrain. Une piscine ça reste une piscine. Je trouve que ça serait plus facile aussi pour le public de pouvoir comparer les temps. Si un nageur valide fait douze secondes au 100 m et que le nageur en situation de handicap fait le même temps, on sera dans l’inclusion totale.» William suggère même que se tiennent des épreuves mixtes, où les sportifs de toutes situations pourraient concourir pour la même médaille.