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Libération
Chronique «C'est reparty»

L’Amour ce soir : «En soirée, les gens disent des choses brillantes mais sans le savoir»

Organisateurs, DJ, gérants d’établissements, noctambules… Chaque mercredi, «Libé» donne la parole à celles et ceux qui vivent pour et par la nuit. Aujourd’hui, le créateur d’un compte Instagram qui répertorie perles et phrases drôles ou décalées entendues en soirées, partouzes ou clubbing.
Image tirée du compte Instagram l'Amour ce soir. (L’amour ce soir)
publié le 12 avril 2023 à 17h32

On ne donnera pas son nom. Pas plus que son âge, sa profession ou ses péchés mignons. Tout juste dira-t-on que ce noctambule – au moins, depuis les années 90 pour donner un indice – est l’instigateur sous couvert d’anonymat d’un compte Instagram «à but non lucratif» très suivi par le microcosme des noceurs parisiens (25 000 followers tout de même) : l’Amour ce soir. Soit un recueil de répliques entendues en soirée, perles «intelligentes» glanées façon Loïc Prigent dans le milieu de la mode, mais pour ce cas précis, dites très tard le soir ou très tôt le matin, et beaucoup plus trash malgré leur poésie. Enfant du Scorp (boîte en sous-sol du célèbre club lesbien le Pulp, sur les Grands-Boulevards, à Paris) et du Queen (autre institution du clubbing sur les Champs-Elysées), cet ancien habitué de bars du Marais qui n’existent plus a eu l’idée de cette plongée ethnographique il y a quatre ans, après une nuit de débauche au Lab.oratory, un (sex) club berlinois accolé au Berghain.

«En entrant, un ami nous avait dit “J’espère trouver l’amour ce soir” tout en sachant que dans ce club, personne n’allait trouver l’amour des romans du XIXe, raconte cet ex-organisateur de soirées, qui a aussi travaillé dans un club d’une capitale étrangère. A la sortie, après avoir perdu quelques personnes de la bande, on a fait un petit débrief, il n’avait pas trouvé l’amour, mais égaré son slip.» Ce qui était une blague entre amis est vite devenu un jeu, et se révèle le témoignage de la teuf contemporaine souterraine, ponctué de messages de prévention sur l’usage des drogues ou le consentement sexuel. Et de souligner : «Je trouve que les gens qu’on rencontre en soirée disent des choses brillantes mais sans le savoir.»

Ta définition de la nuit ?

La nuit, c’est une attente. On espère qu’il s’y passe quelque chose et on considère d’ailleurs qu’une nuit réussie, c’est une nuit durant laquelle il se passe quelque chose. On entend souvent, pour les célibataires : «Est-ce que je vais trouver l’amour ce soir ?» C’est ça : une forme d’excitation. Mais c’est aussi la sueur, les chaussures crottées et les odeurs de cigarette quand la lumière se rallume en club. Ce sont les afters. La nuit, c’est quand t’es sale, si tu en ressors tout propre, c’est que tu es passé à côté.

Un souvenir ?

Je n’ai pas de souvenirs marquants, car la nuit c’est une accumulation de petits moments ou de situations, ce dont témoigne l’Amour ce soir. C’en est le tableau le plus fidèle. Je crois très très peu dans le concept nostalgique de «LA» soirée ou du club du siècle.

Ta BO ?

Un morceau des années 2000 qui est une reprise électro d’Amoureux solitaires, de Lio, par Jenny Goes Dirty, soit Jennifer Cardini. L’original est maximaliste-joyeux mais la reprise est minimaliste-dépressive. C’est ce que j’adore dans la nuit, cette mélancolie ambiante mais dansante.

Ton carburant ?

On ne peut aborder la fête sans parler de drogue, qui a pris une importance assez centrale depuis la pandémie. Il y en a toujours eu, mais les substances pour danser ou se désinhiber se sont multipliées. Et on ne peut pas ne rien dire. Il y a eu beaucoup de glamourisation, on en revient car c’est très facile de se perdre dans la drogue. C’est pour ça que depuis la pandémie, j’essaye de faire passer quelques messages de prévention sur mon compte Instagram. Une dimension que je ne prenais pas du tout en compte avant. En tout cas, j’essaye de donner des ressources à ceux et celles qui ne savent pas où trouver l’information et je relaye des comptes qui s’occupent de prévention en milieu festif : Plus belle la nuit ou Paye ta RDR, mais aussi Consentis sur la prévention des violences sexuelles.

Ton prochain week-end ?

Grindr [application de rencontre gay, ndlr] me le dira bien assez tôt (rires). Mais, le vendredi soir, j’ai une fête privée. On verra bien où ça nous emmène.