L’opération date d’il y a un peu plus d’un mois, le 13 septembre, nous apprend le site Creapills. Distance, un concept store spécialisé dans le running, a ce jour-là invité le client à voler des sneakers dans sa boutique parisienne. «Elle avait disposé au milieu de son magasin, une table avec plusieurs articles très en vogue et avait affiché sur sa devanture “Volez-le pour l’obtenir”, indique l’article. […] Durant toute la journée, plusieurs clients se sont donc prêtés au jeu de dérober des articles de sport et de sortir en courant de la boutique avant de découvrir l’embûche. Ce qu’ils ignoraient, c’est que pour repartir avec les précieux articles, ils allaient devoir être très rapides et ne surtout pas se faire rattraper par le vigile du magasin qui n’est autre que… Méba-Mickaël Zézé, l’un des meilleurs sprinters français au 100 mètres.» Sur 76 clients qui ont tenté le coup, deux ont échappé à l’athlète de l’équipe de France d’athlétisme.
La marque carbure au buzz
On en reste pantois. Mais où Distance et l’agence BETC, qui a réalisé cette opération, avaient-ils la tête pour en arriver là ? A quel moment, le brainstorming qu’on imagine au minimum effectué après une méga gueule de bois ou un AVC collectifs, a-t-il pu aboutir à la conclusion que : «Mais oui, trop marrant, on va faire piquer le client, et ensuite le faire courser par un athlète de haut niveau qui va jouer les vigiles supersoniques» ?
Il est question d’une «opération décalée», et le fondateur de Distance, Guillaume Pontier, est manifestement ravi. Il convoque l’argument de la performance sportive dans le communiqué qui accompagne l’affaire : «[…] C’était un honneur de pouvoir inviter notre communauté à tester sa pointe de vitesse face à un des sprinters les plus rapides du moment. Mickaël a couru suffisamment vite pour limiter le coût de l’opération pour nous, merci à lui !» La marque carbure au buzz. Il y a deux ans, toujours épaulée par BETC, elle surfait sur la polémique suscitée par la limitation de vitesse à 30 km/h dans les rues de Paris, en faisant croire que des athlètes se faisaient flasher par un radar dans la capitale. La chose est pourtant techniquement impossible avec les radars utilisés en France, selon la Sécurité routière. Mais bon, il était possible de trouver le truc rigolo, d’y voir un éloge de la course à pied.
Un outrage plutôt qu’un décalage
Alors que là, on ne voit pas. En quoi la communauté du running pourrait-elle valider ce qui est avant tout une incitation au vol plus que douteuse, destinée à faire le buzz, avec un sprinter réduit au gardiennage de baskets ? Et à l’heure où l’inflation décuple le nombre des vols des produits de première nécessité, au point que certaines marques vont jusqu’à cadenasser de la viande ou du fromage, le soi-disant décalage nous semble plutôt un outrage. Il s’amuse avec un goût bien rance d’une pratique qui peut, pour certains, relever de la simple survie. Surtout, que Distance ne vienne pas se plaindre si l’enseigne enregistre en boomerang une vague de vols non voulus. Fallait pas se mettre dans les starting-blocks.