A la pointe du jour, on l’entend tourner en rond dans le salon. Il se fait chauffer une petite casserole d’eau pour son premier Ricoré du matin. On a beau lui avoir expliqué le fonctionnement de la cafetière électrique, il n’en démord pas de sa lavasse. «C’est trop fort pour moi ton arabica, qu’il dit. Ça m’électrise le palpitant.» On le croit à moitié, Roger. Depuis qu’il est sorti de zonzon et qu’il est venu frapper à notre porte, il est comme un petit enfant qui fait ses premiers pas. Ou plutôt comme un extubé sorti d’un long coma à qui il faut réapprendre à parler, à marcher.
Jus carcéral
Alors, il n’arrive pas à se défaire de son ami Ricoré qui hante toutes les prisons de France. C’est plus fort que lui, il lui faut son jus carcéral à toute heure. C’est comme le sommeil, on a beau lui avoir filé notre chambre et notre plumard en lui souhaitant des nuits apaisées, Roger a craqué au troisième soir. Il s’est excusé comme un premier communiant en nous demandant : «Je préférerais dormir sur le canapé.» On le savait déjà. Car on avait compris que Roger a le sommeil en pointillé depuis toutes ses années de taule. Il a besoin de se lever, de changer le poisson d’eau, de se rouler une sèche, de feuilleter un bouquin. Et surtout, on l’entend ouvrir la fenêtre, on le devine accoudé au garde-corps en fer forgé, errant dans la nuit de la