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Seconde main

Emmaüs confronte ses ateliers d’upcycling «aux géants de la vente en ligne qui ne collectent que la crème»

Emmaüs France collabore avec la marque française Balzac pour mettre en lumière ses ateliers d’upcycling. Sa directrice générale déléguée alerte sur la concurrence déloyale des plateformes de revente en ligne.
Un modèle upcyclé issu de la collaboration entre Emmaüs et Balzac. (Balzac)
publié le 14 octobre 2022 à 5h15

Pionnière de la revente de vêtements et d’objets d’occasion, Emmaüs se doit de se mettre à la page si elle veut faire face à la concurrence qui a explosé sur son créneau, notamment en ligne. Et peu importe qu’Emmaüs œuvre sur le terrain de la solidarité aux plus démunis, les mastodontes que sont devenus Vinted, Le Bon Coin ou eBay cavalent en tête sur le marché de la seconde main.

L’une des solutions créatives pour contrer le gâchis réside dans une niche qui a trouvé son public : l’upcycling vestimentaire, pratique apparue dans le sillon de la mode responsable, d’abord incarnée par la créatrice Marine Serre. Attirées par l’action de solidarité d’Emmaüs et son savoir-faire, des enseignes françaises font appel à ces ateliers pour réinventer des chutes ou des invendus. Balzac Paris, marque fondée en 2011 sur Internet sur le modèle des «digitale native brands», a dédié 20 % de sa nouvelle collection à des matières recyclées, en provenance de stocks dormants ou de chutes de tissu, et a décidé de collaborer avec Emmaüs France, non pas en faisant travailler ses couturiers, mais en lui renversant 30 euros des ventes d’un sweat, destinés à aider au développement de son pôle upcycling.

«De nouvelles compétences pour les personnes en difficulté»

Valérie Fayard, la directrice générale déléguée d’Emmaüs France, se réjouit de voir de jeunes maisons venir à elle pour ce type d’action. En donnant une seconde vie à un vêtement, «Emmaüs participe à l’impact environnemental de réduction des déchets et propose de nouvelles activités de couture ou de menuiserie, rappelle-t-elle. Les participants travaillent sur le beau et l’estime de soi et, souvent, s’épanouissent. C’est tout l’enjeu de nos actions : comment donner de nouvelles compétences aux personnes en difficulté de notre réseau.»

Valérie Fayard se plaint par ailleurs de la concurrence déloyale des plateformes phares de la seconde main et aussi de la mauvaise qualité des vêtements mis sur le marché – coucou la fast fashion : «Sur 300 structures de notre réseau, près de 200 ont fondé leur projet social sur la récupération. On collecte 300 000 tonnes de produits chaque année, dont 110 000 tonnes de textiles, ce qui est énorme. On constate une baisse de la qualité de ce qu’on collecte depuis une quinzaine d’années. Ça s’est accéléré ces sept dernières années et c’est à relier de façon évidente au poids de la fast fashion dans les achats des consommateurs.»

Un autre facteur, «presque plus inquiétant», selon elle, réside dans l’essor des acteurs privés. «Jusqu’à récemment, la récup n’était pas rentable. Il n’y avait que les chiffonniers d’Emmaüs sur ce créneau, dit-elle. Aujourd’hui, nous devons faire face à des géants de la vente en ligne qui ne collectent que la crème. De plus en plus de marques de mode font également de la collecte pour revendre des produits ou proposer des bons d’achat à leurs clients. C’est un autre type de concurrence : ça capte le meilleur des vêtements, et la qualité de ce qu’on récupère, elle, baisse.»