Faire rêver : c’est la mission intrinsèque de la haute couture, cette spécificité française, ce registre du vêtement fait au compte-goutte et au prix inatteignable pour l’immense majorité. A l’appui, la technicité, des savoir-faire hallucinants, les tissus et les matières les plus rares et raffinés, un travail dantesque (passer des centaines d’heures sur une pièce fait partie du contrat) et une audace à nulle autre pareille, qui ose des formes et des usages en rupture avec le quotidien. Cela dit, parfois, le prêt-à-porter (de luxe, celui que montrent les Fashion Weeks) s’en rapproche, ou bien la haute couture allège sa théâtralité ontologique pour prendre des airs cools et actuels de prêt-à-porter. Le crop-top est à cet égard un bon exemple, qui est décliné des deux côtés.
Ulyana Sergeenko, réjouissant rétro
Certains maintiennent néanmoins mordicus le cap du vestiaire extraordinaire de bout en bout. C’est par exemple la Russe Ulyana Sergeenko, qui œuvre pour des héroïnes et dont les vestiaires sont traversés par un souffle propre à convoquer le cliché de l’âme slave – mystérieuse, mystique, romantique tendance tempétueuse, grandiose. C’est beau, souvent nostalgique. Mais cette fois, son parti est enjoué, et c’est ravissant autant que réjouissant. Sa collection réactive les années 20, dans une vidéo aussi simple qu’efficace : on est comme au théâtre, avec les mannequins qui avancent sur fond