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Défilés

Fashion Week: la mode à grands volumes

Suite des défilés du prêt-à-porter automne-hiver 2022-23 avec Valentino, Sacai et Louis Vuitton.
Défilé de la marque Sacai, lundi à Paris. La créatrice Chitose Abe croise des classiques pour inventer d’autres vêtements, hybrides et powerful : un parka-bomber, une chemise-veste de costume ou encore un trench mêlé à un manteau en fourrure. (Cha Gonzalez/Libération )
par Sabrina Champenois, Marie Ottavi et photo Cha Gonzalez
publié le 7 mars 2022 à 19h43

Difficile de passer après l’ouragan Balenciaga. L’impact du défilé de «Demna» donné au Bourget dimanche matin, qui mettait en scène une cohorte d’hommes et de femmes ployés dans la tempête et dédié au peuple ukrainien comme à tous les réfugiés obligés de fuir leur terre quelle qu’en soit la raison, n’est pas de ceux qui se digèrent facilement. La chose est de plus en plus rare dans le circuit mode, et on a vu couler dans le public des larmes qui n’étaient pas factices.

Valentino, à fond le fuschia

Chez Valentino, Pierpaolo Piccioli a choisi un parti pris radical en plongeant sa collection dans un bain de couleur, avec le rose fuchsia comme unique teinte de l’ensemble (et du décor), hormis une série de silhouettes entièrement noires. Un choix comme un contrepied au rouge Valentino, l’un des codes historiques de la maison italienne.

L’exercice du monochrome, s’il est périlleux sur un si grand nombre de looks (une cinquantaine sur 81) car facteur de monotonie, permet au moins de se concentrer sur les formes, et de constater l’étendue du savoir-faire de Piccioli. Son prêt-à-porter est toujours à la lisière de la haute couture, ultraluxueux et flamboyant dans les matières et les volumes, souvent spectaculaires. Citons quelques allures qui rendent grâce aux vibrations apportées par «la couleur de l’amour» selon PP, qui rappelle en ouverture de son show mixte que «l’amour» justement «est la réponse» dans le chaos actuel : une veste aux épaules démesurées et tombantes, d’une décontraction toute italienne, est portée avec un pantalon ample ; le mix sportswear-tailoring (devenu un classique du vestiaire féminin et masculin) illustré par un hoodie oversized allié à un grand manteau ; plusieurs robes de fête aux jolies encolures dont le décolleté laisse les épaules très dénudées ; une microrobe ajourée sur les côtés comme un papier découpé ; un grand manteau en laine recouvert de transparences géométriques au format losange. Tant de diversité dans les formes ne permet pas de percevoir clairement la ligne directrice, sinon celle menant au red carpet. Mais Piccioli sait tout faire brillamment, c’est ce qu’on retiendra.

Sacai à pas de géantes

La Japonaise Chitose Abe, à la tête de Sacai, a ceci de commun avec sa compatriote Rei Kawakubo (Comme des garçons), avec qui elle a d’ailleurs collaboré à ses débuts, qu’elle connaît si bien le vêtement qu’elle peut le déstructurer à loisir, le frictionner comme une feuille de papier, pour développer de nouvelles formes. Son travail est globalement moins expérimental que son aînée, mais on perçoit une aisance similaire.

Chitose Abe croise des classiques pour inventer d’autres vêtements, hybrides et powerful : un parka-bomber, une chemise-veste de costume ou encore un trench mêlé à un manteau en fourrure. Et elle se prend d’amour pour le blouson en mouton retourné, classique de l’hiver et de nouveau très en vogue ces temps-ci, qu’elle raccourcit façon crop top et plonge dans la teinture rouge vif. La créatrice, l’une des plus discrètes de la mode, chausse ses mannequins de plateformes à très haute semelle, ce qui leur donne forcément des airs de géantes, souligne la taille sous la poitrine, et modifie considérablement les proportions des modèles. Mention «lol» aux brassières en maille portées avec de gros gilets en laine rouge.

Louis Vuitton, vive la cravate cool

Chez Louis Vuitton, qui défile au musée d’Orsay (avec notamment Jung Ho-Yeon , la star de la série Squid Game et égérie de la maison, et Lous and the Yakuza), les silhouettes frappent par leur côté carré ou rond, imprimé par les épaules souvent tombantes. Les filles, majoritairement à plat, en sont comme rapetissées, et enfantines, dans leurs blazers et manteaux extra-larges. On dirait des adolescentes qui se seraient inspirées des penderies de leurs pères ou copains. Elles adoptent d’ailleurs aussi le pantalon de grand-père et la cravate – fleurie ou rayée, elle donne envie de partir en acheter une sur-le-champ, comme accessoire chic et cool à la fois. Tout le vestiaire décline de fait un luxe plutôt décontracté, de la détente complète (une combinaison en maille zébrée) présentée les mains dans poches jusqu’à l’apprêt du soir (les robes salopettes en tweed doré, carrées aux hanches, cette fois portées avec des hautes bottes), en passant par le formel du milieu professionnel (les costumes monochromes à vestes drapées, portés avec une cravate), jusqu’au mix sport-chic (des polos oversize portés sur des robes arachnéennes). Une invitation à retrouver une certaine légèreté, décomplexée mais pas hystérique.