En période de Fashion Week, l’éventail ultra-large des propositions parle potentiellement à tout le monde. Cette saison, le retour à un rythme prépandémie (les présentations et défilés, cocktails et soirées abondent) n’empêche pas de percevoir une même envie de décontraction bien fagotée, sans extravagance loufoque mais avec un souci commun du détail et de la belle matière.
Bluemarble, marque fondée par Anthony Alvarez en 2019, rassemble dans la cour du lycée Molière (XVIe arrondissement de Paris) une communauté hétéroclite, jeune et avide d’aventures légères. L’inspiration de cette collection est née, selon le créateur, dans les riffs de Jimi Hendrix période 1967, que l’on discerne sur un bermuda baggy aux imprimés psyché et multicolores comme bombé à l’aérographe ou des trèfles brodés sur des pantalons cargos kaki. Les mêmes trèfles à quatre feuilles reviennent en version panthère et cloutés sur un pantalon en jean beige porté avec un blouson coordonné surmonté de brillants. Le travail d’Anthony Alvarez, Franco-Américain désormais installé à Paris, vient d’être sélectionné parmi les finalistes du prix Pierre Bergé créé par l’Association nationale pour le développement des arts de la mode (Andam).
Esprit du vêtement de travail
A l’autre bout de Paris, sur la coulée verte côté XIXe arrondissement, qui a longtemps servi de frontière entre la capitale et sa banlieue, Etudes Studio réunit ses fidèles, parmi lesquels Orelsan et sa bande, qui figurent en bonne place. Le rappeur est là, habillé d’une des silhouettes du show, un ensemble chemise bermuda multicolore dont le motif abstrait est tiré d’une peinture de l’artiste Jean-Baptiste Bernadet.
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Les modèles suivent les anciennes voies de chemin de fer au pied des tours de la cité Curial-Cambrai (ses seize tours en font la plus grande de Paris). Une tripotée d’enfants installés à la fenêtre de l’appartement familial profitent de ce drôle de spectacle qui ne dure même pas vingt minutes (attente non comprise). La collection du collectif parisien mené depuis dix ans par Jérémie Egry, Aurélien Arbet et José Lamali explore l’univers du vêtement de travail qui semble recéler des possibilités infinies. Ici Etudes va jusqu’à s’emparer du tablier de l’atelier, en jean cuivré, sur lequel apparaît le nouveau logo en forme de losange de la marque, porté sur un pantalon à carreaux et un tee-shirt vert sauge sans manches. Ce même vert sauge que l’on retrouve sur un blouson et un bermuda en jean porté avec des Solovair montantes. L’esprit du vêtement de travail se niche aussi dans une combinaison au col chemise et pantalon cargo taillée dans un beige doux.
Patate douce et banane plantain
On retrouve l’esprit du cool associé à des coupes singulières et à des matières confortables chez Bianca Saunders, talent venu de Londres, repéré par le jury de l’Andam qui lui avait remis son grand prix l’an dernier. La Londonienne d’origine jamaïcaine, qui défile pour la seconde fois à Paris, se plaît à mixer ses racines dans quelques-uns de ses looks. Cette fois, elle imprime sur un tee-shirt les féculents qui accompagnent ses repas depuis toujours : patate douce et banane plantain.
L’ensemble de la collection est par ailleurs rythmé par des twists qui transforment un basique en vêtement de caractère : le jean large cousu en biais et pincé grossièrement à la taille, un pull replié sur lui-même sur la poitrine, un col de débardeur de couleur brique asymétrique, un tee-shirt à double épaisseur bleu pétrole et rouille, un pantalon à l’effet velours turquoise légèrement fendu sur l’avant du pied. Saunders distille elle aussi une touche de psychédélisme dans des silhouettes à l’imprimé carreaux version champignons hallucinogènes. Sa maîtrise de la coupe se lit dans les proportions légèrement surdimensionnées de ces vestes et blousons, ou ce trench à bord franc.