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Libération
Billet

La mode à blocs

Les griffes s’inspirent toujours plus des «quartiers» en les caricaturant dans quelques cas.
Désormais, les «quartiers» sont l’un des cœurs de la tendance mode. (Clan de banlieue)
publié le 4 juillet 2021 à 8h59

Il y a encore dix ans, le jeune des quartiers s’accommodait très bien d’une banane Gucci portée avec une veste Lacoste et un bob Burberry. L’enjeu était de monter en gamme, de miser sur le symbole (la réussite sociale), dans un transfert de classe vestimentaire pas anodin, puisque cette «trend» a permis de faire voler en éclats les vieilles règles du vestiaire prétendument de bon goût : aux pauvres les marques grand public, aux riches les griffes luxe ou demi-luxe.

La popularité de la culture hip-hop, les ventes stratosphériques des rappeurs français et étrangers, le succès de la sneaker et du streetwear que l’année qui vient de s’achever a encore un peu plus propagé, ont inversé la tendance. Désormais, les «quartiers» sont l’un des cœurs de la tendance mode. Decathlon et ses lignes vestimentaires (Kalenji et Quechua entre autres) avait déjà démontré que le «modeux», non dénué d’humour, aimait mélanger des nippes de tout acabit. Carhartt a lancé il y a quelques mois une minicollection, en hommage aux 25 ans du film la Haine, vue sur le dos de pléthore de mélancoliques.

Voilà que des griffes se la jouent carrément «extra-muros» pour vendre des produits sans grand intérêt stylistique. Prenons Clan de banlieue, découverte il y a peu à la faveur d’un mail promotionnel à vous hérisser un sacré de Birmanie. Storytelling : «Richard Lopes-Mendes choisit le mot français «banlieue» avec pour volonté de lui enlever sa réputation négative. Convaincu, au contraire, que les banlieues sont la représentation d’une société multiculturelle, Richard s’est inspiré de villes comme Paris, Rotterdam ou New York afin de mettre en valeur sa dimension universelle et solidaire.» Pour y parvenir, il s’est donc dit que des sweats à capuche et des joggings, marqués de larges «BANLIEUE» et «BNL» feraient l’affaire pour «redorer» l’image des quartiers qui ne lui avaient pourtant rien demandé. Echec cuisant. On reste là encore dans le cliché le plus bateau, sans plus-value ni même une pointe d’humour, ce dont la jeunesse des faubourgs, elle, ne manque pas.