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Mode

Le coton américain veut devenir plus traçable que jamais

Regroupement de cultivateurs de fibres réputées pour leur longueur et leur qualité, Supima intègre désormais un outil qui permet de tracer chaque étape de la production, de la fibre à la confection du vêtement.
Pour Supima, l'enjeu est de montrer que les cultivateurs américains redoublent de vigilance en termes de transparence. (Julio Piatti)
publié le 19 octobre 2023 à 20h02

C’est un géant américain peu connu du grand public, qui œuvre dans le secteur du coton dont il produit parmi les meilleures qualités au monde. Supima, association de producteurs basés dans le sud des Etats-Unis, principalement (90 %) dans le désert californien (et en Arizona, au Nouveau-Mexique et au Texas), fondée en 1954, tente de rayonner au-delà des cercles professionnels et de ses frontières. A la façon de Woolmark, société des producteurs de laine australiens (forte de 60 000 membres) fondée en 1936, qui décerne depuis les années 50 un prix (dit autrefois «du secrétariat international de la laine») rentré dans l’histoire pour avoir découvert deux des plus grands couturiers de l’histoire de la mode, Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld, les producteurs de coton américain veulent faire rayonner leur nom et leur coton auprès d’un public plus mode.

Fibre de qualité

L’association étend son soft power au territoire français en devenant l’un des partenaires du Festival international de mode, de photographie et d’accessoires d’Hyères dont la trente-huitième édition vient d’avoir lieu. Supima a fourni en tissu les finalistes du concours, qui a sacré le Belge Igor Dieryck, tout comme des créateurs plus confirmés au sein de ce qu’elle nomme son «design lab». L’association organise depuis seize ans sa propre compétition aux Etats-Unis, ouverte aux étudiants inscrits dans huit écoles de mode américaines (remporté cette année par Carla Pierini de l’université Drexel), et qui – bon principe – se fait à l’aveugle, sans présentation orale, pour que les personnes qui parlent mal anglais ne soient pas défavorisées et que l’identité et le genre des candidats ne soient pas dévoilés. «Même les membres du jury votent indépendamment les uns de autres pour qu’aucune voix ne prenne le dessus sur une autre», souligne Buxton Midyette, responsable du marketing de l’organisation.

L’enjeu est de convaincre aussi les consommateurs qu’outre la qualité de leur fibre, les cultivateurs américains redoublent de vigilance en termes de transparence. Supima tente ainsi de se démarquer, notamment de ses concurrents chinois qui recourent, dans la province de Xinjiang, au travail forcé de la population ouïghoure pour la récolte du coton. Les Etats-Unis, troisième pays producteur de coton au niveau mondial (derrière la Chine et l’Inde), mais premier exportateur du globe, a gros à jouer sur ce volet éthique.

Technologie blockchain

Nathalie Ruelle, professeur à l’Institut français de la mode, spécialiste du développement durable, explique que Supima «travaille sur un produit tracé». «Ils ont réussi à analyser, à partir de la biotechnologie, les sols, les oligoéléments, les nutriments contenus dans la fibre pour prouver qu’elle a poussé dans tel champ en allant jusqu’à donner son code GPS», explique l’experte, qui rappelle pour les non initiés que «la fibre de coton a une forme de haricot quand on la regarde au microscope, un haricot qui est plus ou moins formé selon sa maturité quand on le récolte, ce qui va ensuite avoir des incidences sur la teinture et la souplesse. De plus, toutes les fibres de coton n’ont pas exactement la même longueur. Pour homogénéiser, quand on fait de la filature, on mélange des lots de coton. C’est la pratique classique pour optimiser la qualité. C’est ce qui rend la traçabilité du coton très difficile, d’autant plus à grande échelle».

Supima et Textile Genesis, spécialisé dans le tracking, ont mis au point un système qui utilise la technologie blockchain pour pouvoir suivre la progression d’une fibre jusqu’au produit fini, et indiquer par quelles étapes, usines et sur quel territoire elle est passée. Un système qui devrait trouver des relais dans d’autres filières et qui pourrait permettre dans un monde idéal d’améliorer l’impact écologique des producteurs de textile.