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Mode

Le Sénat adopte une loi contre la «fast fashion» visant Shein

Un an après l’Assemblée nationale, le Sénat a voté ce mardi 10 juin une proposition de loi pour freiner l’essor de cette «mode ultra-éphémère», incarnée par le géant chinois Shein et ses vêtements à bas coût.
Une adoption très large est attendue pour cette initiative consensuelle et soutenue par le gouvernement. (Phil Noble/Reuters)
publié le 10 juin 2025 à 9h01
(mis à jour le 10 juin 2025 à 15h44)

La France en ordre de marche contre l’un des géants mondiaux du textile. Un an après l’Assemblée nationale, le Sénat a voté ce mardi 10 juin une proposition de loi contre l’essor de la «fast fashion» visant Shein et ses vêtements à la main-d’œuvre peu chère expédiés depuis la Chine. Le texte de la députée Horizons Anne-Cécile Violland, initiative consensuelle et soutenue par le gouvernement, a été adopté à l’unanimité. Députés et sénateurs vont désormais devoir s’accorder sur un texte commun avant la mise en oeuvre de la réforme.

Face à «l’invasion» de cette mode «ultra-éphémère» ou «ultra-express», cette proposition de loi est «aussi ambitieuse qu’on pouvait l’espérer», avait salué la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, à la manœuvre durant l’examen du texte. C’est «un bon point de départ pour agir au niveau européen», avait-elle ajouté, promettant une notification à la Commission européenne pour sécuriser juridiquement la démarche.

Pénalités pour les entreprises polluantes, publicité interdite, obligations pour les plateformes, influenceurs sanctionnés… La proposition de loi met en place toute une panoplie d’outils pour limiter ce phénomène en pleine expansion.

Particulièrement ciblée, la plateforme Shein et ses produits textiles peu coûteux, constamment renouvelés, est accusée de vendre des vêtements très polluants et fabriqués dans des conditions de travail déplorables. L’entreprise basée à Singapour se distingue en effet des acteurs historiques de l’industrie textile par la multiplication de ses produits. Une déferlante de 7 220 nouvelles références par jour en moyenne, selon une analyse réalisée par l’AFP du 22 mai au 5 juin.

«Vitalité économique de nos territoires»

Un chiffre à comparer aux quelque 290 nouvelles références quotidiennes dans la catégorie «vêtements femmes», et 50 dans celle «vêtements hommes», du site de H & M, acteur traditionnel du secteur. L’ambition du Sénat comme du gouvernement est donc de cibler Shein plutôt que H & M, Zara ou Kiabi, une volonté assumée que certains ont regrettée, notamment à gauche ou à l’Assemblée nationale. Mais «je ne souhaite pas faire payer un euro aux entreprises qui disposent d’enseignes en France et qui contribuent ainsi à la vitalité économique de nos territoires», a expliqué la sénatrice Les Républicains Sylvie Valente Le Hir, rapporteure sur le texte.

La vision des sénateurs a été épinglée par Shein : «On se retrouve finalement avec une loi anti-Shein, et anti-clients de Shein. Cette loi, si elle vient à passer, pénalisera directement le portefeuille de nos clients et réduira drastiquement leur pouvoir d’achat», a regretté Quentin Ruffat, porte-parole de l’entreprise en France.

Impact environnemental, pas de pub et taxes pour les petits colis

Il ne fait aucun doute que la plateforme sera concernée par la totalité des articles de cette proposition de loi. Les acteurs ciblés devront par exemple sensibiliser les consommateurs à «l’impact environnemental» de leurs vêtements. Aucun doute non plus sur le fait que Shein devra s’acquitter des «écocontributions» renforcées dans la loi, sur un principe de «bonus-malus». Avec une pénalité qui atteindra au moins 10 euros par article en 2030.

Autre mesure phare, l’interdiction totale de la publicité pour la mode ultra-éphémère, avec un volet de sanctions dédiées aux influenceurs qui voudraient en faire la promotion. La conformité de ce dispositif à la Constitution est néanmoins questionnée.

Enfin, le Sénat a également adopté une mesure inattendue : l’instauration d’une taxe sur les petits colis livrés par des entreprises établies hors de l’Union européenne, comprise entre deux et quatre euros. Une façon d’élargir le spectre en visant notamment un autre géant asiatique du commerce en ligne, Temu. Mais cette mesure pourrait être supprimée dans la suite de la navette parlementaire, pour laisser la main à l’Europe, où ce sujet fait actuellement l’objet de négociations.

Une fois le texte adopté au Sénat, une commission mixte paritaire (CMP) réunissant sénateurs et députés, devrait être convoquée à la rentrée. Ils seront chargés d’aboutir à un texte commun, préalable à l’adoption définitive de cette loi.

Mise à jour : à 15 h 44, avec l’ajout du vote du texte par le Sénat.