C’est parti, ce mercredi 10 janvier, depuis 8 heures du matin : le rituel des soldes d’hiver. Les rabais vont durer quatre semaines, pour se clore le 6 février. Mais cette nouvelle salve, que certains continuent d’annoncer comme un marathon de la bonne affaire avec tambours et trompettes («A vos starting-blocks !») semble moyennement partie pour tourner à la bacchanale de la consommation, dans un contexte de pouvoir d’achat toujours en berne en raison d’une inflation en pleine forme.
Mené du 19 au 20 décembre 2023 auprès de 1 002 Français, un sondage réalisé par l’Ifop pour le site de vente en ligne Spartoo accrédite l’option d’une frilosité du consommateur. Si ceux qui comptent les faire envisagent un budget de 165 euros contre 124 euros estimés juin 2023, ils sont 27 % à déclarer vouloir y renoncer, et 30 % souhaitent y consacrer un budget moins élevé que les années précédentes. Et l’aspect utilitaire prévaudra pour 69 % d’entre eux, le fameux achat «coup de cœur parce que tout de même c’est moins cher» se contente des 31 % restants. Et Boris Saragaglia, PDG et cofondateur de Spartoo d’annoncer en raison du «contexte difficile», «des rabais pouvant aller jusqu’à -50 % sur l’ensemble de [nos] produits» dès la première semaine de soldes.
Mauvais timing
Invité sur RMC le 7 janvier, le président de la Fédération nationale de l’habillement (FNH), Pierre Talamon, a de fait donné un premier aperçu mitigé, au vu de l’entame des soldes en Lorraine (toujours anticipée pour lutter contre la concurrence de la Belgique et du Luxembourg) : «Les clients ont été peu au rendez-vous. Le consommateur est surtout lassé des multiples promotions, notamment le Black Friday au mois de novembre.» Par ailleurs, le président de la FNH pointe un mauvais timing, du moins du point de vue commerçant : «Les soldes, c’est fait pour déstocker en fin de saison, or, les soldes commencent 15 jours après le début de l’hiver. […] La consommation n’est absolument pas logique puisque, justement, c’est au moment où il fait froid, qu’on devrait s’acheter des gros manteaux à leur juste prix et pas soldé.» D’où le souhait de la Fédération de «décaler d’un mois les soldes d’hiver pour être en phase avec la fin de la saison climatique». Le coup de froid en cours a de quoi conforter cet argumentaire.
Mais, fondamentalement, les soldes servent-ils encore à quelque chose ? La question court depuis quelques années déjà, alimentée par l’abondance des ventes privées (en toutes saisons), la montée en puissance du Black Friday et le triomphe du marché de la seconde main, et l’inflation ne peut que renforcer le doute. Sans compter que l’éventuelle hausse de la consommation qu’ils occasionnent va à l’encontre de la sobriété à laquelle invitent les enjeux climatiques… Le président de la FNH émet d’ailleurs lui-même l’hypothèse : «Si on veut aller vers une consommation raisonnée, il faudrait peut-être qu’il n’y ait plus de soldes.» C’est à la fois assez courageux mais aussi pragmatique, vu le bénéfice toujours plus décroissant pour les commerçants en circuit classique.