En 1999, paraît No logo de Naomi Klein, un bestseller anticapitaliste que les élites éclairées accueillent avec enthousiasme. Dans les années 90 un courant de mode minimaliste triomphe avec Helmut Lang et Jil Sander. On se dit alors que le rejet des marques et de leur signalétique omniprésente va s’imposer, qu’une esthétique de la discrétion va supplanter celle de l’ostentation.
En 2021, les logos sont partout. Le luxe, autrefois plus mesuré que le marché de masse, fait montre d’une désinhibition totale : c’est à qui aura le plus gros, le plus flagrant, le plus original. On collabore pour orner un même vêtement de plusieurs marques glorieuses (Gucci + Balenciaga et plus récemment Fendi + Versace…). La tentation de l’humilité n’a pas duré, soumise à la loi d’alternance de la mode, qui passe d’un style à son contraire.
Que doit-on anticiper ? Un nouveau retrait des «Dior», «Chanel» ou «YSL» trop ostentatoires ? Pas si sûr, car l’ubiquité des codes de marque sur les habits de luxe a peut-être une explication naturelle. On trouve chez de nombreux oiseaux des «badges de statut» : une tâche colorée de taille variable indiquant l’agressivité du spécimen. La sélection naturelle retient ce type de signal, parce qu’il bénéficie autant aux émetteurs, qui dominent plus facilement leurs congénères prévenus du danger, qu’aux récepteurs, qui peuvent éviter le combat.
Comme un badge de statut culturel, le logo exprime le pouvoir de qui s’en pare. A ceci près qu’il le fait de manière dér