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Décryptage

A l’Assemblée, les députés adoptent à l’unanimité une proposition de loi sur la «fast fashion»

Consommation responsabledossier
Les députés ont adopté ce jeudi 14 mars une proposition de loi Horizons visant à sanctionner les excès de cette surconsommation. Elle prévoit notamment l’interdiction de la publicité et la mise en place d’un système de malus sur ces produits.
Vêtements exposés au siège du géant de la fast fashion Shein à Singapour, en juin 2023. (Ore Huiying/Bloomberg.Getty Images)
par Liza Cossard et Victor Boiteau
publié le 14 mars 2024 à 6h23
(mis à jour le 14 mars 2024 à 17h26)

Démoder la «fast fashion» ? Les députés ont fait un pas important dans ce sens, jeudi 14 mars, en votant à l’Assemblée la proposition de loi visant «à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile» déposée par le parti Horizons, soutenue par la majorité présidentielle. Portée par la députée de Haute-Savoie Anne-Cécile Violland, elle avait été largement soutenue en commission le 7 mars. Dans l’hémicycle, la proposition de loi a été votée à l’unanimité : 146 voix pour. Un «pas historique pour la France», a salué Anne-Cécile Violland.

Seul dans l’hémicycle pour son groupe, le député Les Républicains Antoine Vermorel-Marques a également soutenu la proposition de loi. «L’ennemi du made in France, c’est la fast fashion. Si on ne fait rien, elle va mettre nos emplois, notre industrie à nu», a lancé le député de la Loire. Les écologistes ont également soutenu le texte. «Il est temps de mettre fin à ce fléau», a plaidé le député Charles Fournier. Insoumis et écologistes ont défendu (sans succès) le principe de quotas de produits étrangers importants en France. Ils ont également tenté d’élargir la cible aux enseignes comme H & M, Zara, Decathlon. La députée LFI Alma Dufour s’est toutefois inquiétée de la mise en œuvre concrète des décrets d’application. Et de la position du ministre de l’Economie, alors que celui de la Transition énergétique est favorable à la proposition de loi : «Docteur [Christophe] Béchu est d’accord, mais que dit Mister [Bruno] Le Maire ?»

Le texte tente de délimiter les contours des enseignes de prêt-à-porter identifiées comme relevant de la fast fashion. En vertu de son article 1, «la mise à disposition ou la distribution d’un nombre de modèles de produits neufs […] dépassant des seuils fixés par décret, relève d’une pratique commerciale de collections vestimentaires et d’accessoires à renouvellement très rapide». En clair, une marque de fast fashion est définie par le nombre de nouveaux modèles, signe du renouvellement quasi permanent des collections. Mais ce seuil reste à fixer.

Un système de bonus-malus

Le texte prévoit la mise en place d’une pénalité de 50 % du prix hors taxe de chaque article vendu. Par exemple, pour un pull vendu 8 euros, la marque devra verser une taxe de 4 euros. A terme, d’ici à 2030, cette pénalité pourra atteindre au maximum 10 euros, dans la limite de 50 % du prix de vente. Une des ambitions du bonus-malus est de favoriser une fabrication européenne au détriment d’une production provenant d’Asie. Cette rétribution sera organisée par un éco-organisme comme Refashion. Mais la porte-parole de Shein a averti que cette mesure «aura un impact direct sur l’accès à la mode pour des millions de consommateurs français», notamment «les ménages qui font plus attention à la fin du mois», suggérant que cette taxe se répercutera fatalement sur le prix de vente.

«Ce qui caractérise cette industrie c’est un marketing très intrusif vers la nouvelle génération», note aussi Anne-Cécile Violland. Sa loi interdit la publicité relative à la commercialisation de vêtements de fast fashion, comme cela a déjà été fait pour les énergies fossiles en vertu de la loi «climat et résilience» de 2021. Dans le viseur, ce sont surtout les «haul», vidéos consistant à montrer ses achats sur les réseaux sociaux, qui explosent sur TikTok.

Shein est l’une des marques pionnières de ces vidéos. L’enseigne organise de nombreux partenariats avec les influenceurs afin qu’ils fassent la promotion de ses produits en échange d’un code promo. Ainsi, la publicité de la fast fashion sera aussi interdite pour les créateurs de contenus qui ne pourront plus accepter ce type de contrat, au risque de se faire sanctionner financièrement en vertu de la loi sur les influenceurs de 2023 qui encadre leur métier. Une idée critiquée par la porte-parole de Shein, pour qui «l’interdiction de la publicité est une atteinte grave à la liberté d’entreprendre».

Enfin, les enseignes de la mode éphémère devront désormais afficher sur leur plateforme de vente en ligne «des messages encourageant le réemploi et la réparation de ces produits et sensibilisant à leur impact environnemental. Cette mention figure[ra] sur toutes les pages internet permettant l’achat de ces produits, à proximité du prix».

Shein a annoncé «être prêt à afficher un message sur la page d’accueil de [sa] plateforme», à condition que «toutes les marques du secteur de la mode, mais aussi des entreprises de commerce électronique proposant des produits de mode» affichent ce message pour «sensibiliser et réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, comme le souhaite le titre de ce texte».

Mis à jour à 17 h 15 avec le vote et des éléments du débat.