Mercredi 13 décembre, en soirée ou dans la nuit, les abonnés Navigo ont reçu une lettre de Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France et, partant, d’Ile-de-France mobilités qui organise et finance les transports franciliens. Elle y rappelle notamment le passage de l’abonnement mensuel à 86,40 euros. On le savait déjà depuis la fin novembre. Lors de l’annonce, Valérie Pécresse avançait d’ailleurs déjà les arguments qui figurent dans la lettre : «Un réseau qui va doubler de taille d’ici 2031», «des trains, bus et métros neufs [qui] rendent vos trajets plus confortables et plus fiables», «de nouvelles lignes desservent de nouveaux territoires», «d’autres lignes sont prolongées», «sans compter les nombreuses lignes de transport à la demande en zone rurale». Et l’augmentation du tarif mensuel suit le strict «coût de l’inflation, soit 2,30 euros, et pas un euro de plus». On croit entendre Robin des bois quand elle ajoute : «Je peux m’engager sur un bouclier tarifaire et vous garantir que la hausse annuelle de l’abonnement Navigo d’ici à 2031 ne dépassera pas l’inflation +1 %. Ce bouclier vous prémunit de toute hausse tarifaire brutale. Et ce, pour les huit années à venir».
Alors, bien sûr qu’on comprend que développer et entretenir le réseau des transports en commun est une nécessité, toujours plus prégnante en ces temps d’urgence climatique. Et que le citoyen y contribue n’est pas choquant, même si l’idée de la gratuité pour tous fait son chemin, comme l’attestent les 44 collectivités qui la pratiquent pour la majorité de leurs usagers ou la récente initiative de certaines villes allemandes, qui la proposent (pour des raisons écologiques) en échange du renoncement au permis de conduire.
Toujours est-il que cette lettre-piqûre de rappel a un goût amer, qui participe à un sentiment qui gagne les Parisiens. Que les Jeux olympiques ne sont pas la bénédiction annoncée mais, au contraire, le tremplin vers une avalanche d’emmerdements. Alors même que hausse du tarif Navigo et JO ne sont pas totalement liés (contrairement aux prix surréalistes du pass spécial qui aura cours cet été – 4 euros le ticket, 16 euros la journée et 70 euros la semaine), cela alimente l’idée que les JO vont lester un quotidien qui relève déjà de la tannée, notamment en raison des transports. Les Nostradamus abondent, on a personnellement déjà entendu ceci, à plusieurs reprises : «Le Navigo augmente alors qu’avec les JO, tout va être bondé, ça va être l’enfer», «sans compter les risques d’attentat», «les restaus vont forcément en profiter pour augmenter les prix et après ça ne baissera pas». Quitter tout bonnement la capitale, où devraient débarquer 15 millions de touristes, est en passe de devenir un objectif de vie – si possible en louant son domicile à un loyer XXXXL, ça sera toujours ça de pris.
Alors, c’est sans doute faire preuve d’une ingénuité qui, aux yeux de certains, relèvera de l’aveuglement, mais on y tient : c’est quand même génial d’accueillir les JO, et on devrait réussir à s’en réjouir. Personnellement, on n’a pas décroché de ticket pour une quelconque épreuve, on regardera ça à la télé, assidûment comme chaque fois. Car c’est toujours fantastique, cette réunion d’athlètes venus de tous les coins de la planète, ces performances mais aussi ces échecs qui sont tous autant d’histoires personnelles au-delà du strict résultat sportif, ces sports qu’on connaît et dont on voit alors le meilleur ou ceux qu’on découvre et qui bientôt nous fascinent tout autant, à notre propre surprise.
C’est vrai, c’est documenté, accueillir les JO suscite toujours une inflation qui, en l’espèce, s’ajoutera à celle en cours. L’opportunisme commercial surfe toujours allègrement sur l’événementiel. Et sans doute qu’on sera par moments toujours plus sardines dans le métro. Mais ça durera du 20 juillet au 8 septembre, et entre-temps, on assistera à des moments (sportifs mais pas que) uniques, avec grand huit émotionnel à la clé. Les Jeux en valent la chandelle.