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Libération
Chronique «C'est reparty»

Nicolas «la Méchante» : «La nuit permet plus de différence et moins de censure»

LGBT +dossier
Organisateurs, DJ, gérants d’établissements, noctambules, observateurs… Chaque mercredi, «Libé» donne la parole à celles et ceux qui vivent pour et par la nuit. Aujourd’hui, le physionomiste du club techno Nexus, à Pantin, passé par la porte de moult soirées parisiennes.
Nicolas Maalouly, en juin 2018. (Pierrick Rocher)
publié le 11 octobre 2023 à 17h58

On se souvient qu’elle nous a fait stresser maintes fois, «la Méchante». Avec ses grosses lunettes, ses manteaux de fourrure et son franc-parler, elle a exercé sur certaines de nos sorties en club – à la Flash Cocotte, notamment – son droit de vie ou de mort. «Il n’y a plus la culture du physio dans le clubbing, surtout depuis le Covid. Aujourd’hui, c’est : “J’ai acheté mon billet en prévente donc je peux entrer.” Je me souviens qu’à mon époque, quand on sortait au Palace ou aux Bains-Douches, on avait peur d’être refoulé par Jenny Bel’Air ou Marilyn», regrette Nicolas Maalouly, 49 ans, l’homme qui endosse ce rôle de physionomiste depuis douze ans pour de nombreuses boîtes électroniques (la Java, le Gibus, le Faust, l’ex-Social) ou soirées gay parisiennes (Menergy, entre autres).

Natif du Liban mais Parisien avant tout, le plasticien et architecte – le jour – est aujourd’hui le chien à trois têtes attitré du gros club techno Nexus à Pantin (Seine-Saint-Denis). «Ce qu’on me demande, c’est de juger les gens en une seconde. Il faut sentir l’énergie d’une personne, prendre une décision et s’y tenir, poursuit cet habitué du Bear’s Den, bar gay de la communauté ours, et du Cox, dans le IVe arrondissement de Paris, introduit à la nuit au début des années 90 au Queen et au Palace. Quand on vient chez moi, j’aime bien qu’on sache qui je suis, qu’on soit poli. Mais je ne suis pas là pour gâcher une soirée.» Au point d’être considéré comme l’un des dix physios incontournables de la nuit parisienne et berlinoise, selon le magazine de musiques électroniques Dure Vie, après l’inénarrable Sven Marquardt, le cerbère impassible à l’entrée du Berghain de Berlin.

Ta définition de la nuit

«La nuit, on est celui qu’on voudrait être. Il y a moins de jugement et d’a priori. Les choses sont inversées. Les gens un peu excentriques vont passer en priorité, ce sont eux qu’on va remarquer, qui mettent l’ambiance, qu’on aime et avec qui on va danser. La nuit permet donc un peu plus de différence et moins de censure. On est plus libre.»

Un souvenir

«Quand j’étais jeune, dans les années 90, il n’y avait pas tous ces taxis et Uber. Je me souviens qu’on faisait du stop pour rentrer de soirée. Et on se posait beaucoup de questions pour savoir comment. Je suis grand et barbu, j’avais du mal à ce qu’on me ramène en voiture, j’en venais à porter des tee-shirts avec des chats. Une nuit, j’avais un sweat des sapeurs-pompiers, c’était à la mode. On me fait monter mais le conducteur, qui l’était, m’a vraiment pris pour un sapeur-pompier et c’était le gros malaise.»

Ton carburant

«La vodka-Red Bull et les Croco Pik [des bonbons Haribo, ndlr]. Je ne fume pas, je ne me drogue pas et je bois très peu de toute façon. Mais comme je dis : “Keep them coming” [«laisse-les venir»]. Beaucoup de gens veulent me payer des verres, même dans les bars, où l’on me reconnaît. Mais je n’ai pas l’intention de me faire acheter.»

Ton look

«Ma signature, ce sont mes grosses lunettes, une casquette ou un chapeau. Toujours un petit truc Chanel. Mais aussi un joli manteau chaud ou un foulard parce que quand on est dehors toute la nuit, on a froid. Pas de noir, car je ne suis pas vigile, et plein de trucs qui brillent pour qu’on me voie. Porter des bijoux, c’est très amusant. Or, j’aime m’amuser quand je m’habille. Je suis grand, gros et barbu, mais j’aime bien porter des broches ou des sacs à main par exemple, mélanger des trucs féminins et masculins. Je veux que ça se voie que je suis pédé. Ça permet aussi de repérer les gens qui jugent dans une queue.»

Ton prochain week-end

«Je serai à la porte de Nexus vendredi et samedi soir. En début de soirée, généralement, je rentre me coucher vers 18 heures, je dors jusqu’à 21 heures, je mange et j’arrive au club vers 22h30 pour faire un point avec l’orga avant l’ouverture. Je commence donc mes nuits en dormant (rires). Ça me permet de rester concentré jusqu’à 6 heures du matin. Je ne suis pas à l’entrée pour me faire des amis, je suis là pour que les fêtards y trouvent leur compte et les organisateurs de soirées aussi. Le tri ne se fait pas sur le physique ou la tenue – tout le monde porte des baskets aujourd’hui – mais sur l’énergie de la personne. Il faut que je repère si elle est bien au bon endroit.»