La vidéo de 13 minutes s’intitule «Jacques-Mouss, 24 heures avec le génie de la mode». Dans une ambiance d’atelier, croquis, moodboard, vêtements, essayages, gens qui s’affairent, on y voit Malik Bentalha en pull et sneakers rose malabar choisir les pièces de son prochain défilé et décider du stylisme. «Le slip en aïoli, par-dessus le jean pour Mathias», «le chapeau en pan-bagnat, on en est où ?», «le jean en bouillabaisse, super, il est fini», «le débardeur en fougasse, je ne le trouve pas», une séance hilarante autour d’un chapeau mis-enlevé-remis-reenlevé- rerereremis, etc. On le voit essayer une bouteille d’huile d’olive sur une tête (une mannequin se plaint, justement, de n’être payée qu’en «bouteilles d’huile d’olive faite par sa mère») sentir un bouquet de lavande façon ravi de la crèche.
Et Jacques-Mouss d’embrayer face caméra sur son storytelling, les «vips» qui seront présents à son tout premier défilé dans sa ville, Marseille : «Christophe and the Queen, Pomme, Clémentine, Poire, toute la salade de fruits sera là» ; «Les rappeurs seront au fond, ils ne seront même pas au défilé, on va leur monter une annexe, ils feront des photos entre rappeurs, […] et c’est un échange de bons procédés, parce que nous ça nous permet de toucher un public urbain qui vont acheter parce qu’ils ont vu le dernier rappeur mettre nos tenues […] alors qu’ils sont au RSA, […] c’est un win-win».
Combien est vendu le jean fougasse ? Jacques-Mouss fuse : «C’est pas très Marseille de parler prix, c’est pas pastis, c’est pas navette, c’est pas lavande, […] C’est pas La Maison de mon père, La gloire de ma sœur, […] nous chez Jacques-Mouss on ne parle pas argent, on fait ça par amour des tissus, des défilés, de la Provence». Finalement il lâche, «en dessous de 2000». Là-dessus, clash : un technicien a «mégenré» un membre de l’équipe Jacques-Mouss : «Mais c’est pas possible, en 2024 ! C’est pas compliqué, je suis exogenre, je ne m’identifie à aucun genre, aucune personne vivante, jusqu’à la semaine dernière je m’identifiais à une flaque de couleur, parme, et depuis je suis une ramette de papier A4″.
Entre autres pistes de la philosophie Jacques-Mouss, il y a l’empathie, le besoin de faire du bien aux autres: «Je ne sais pas si c’est Karl Lagerfeld ou Lena Saturations qui disait ‘‘la mode n’est ni morale ni amorale, elle est faite pour remonter le moral’'». Comment se voit Jacques-Mouss dans dix ans? «Pfff, je sais pas, tout ce que je veux c’est que mes créations vivent encore de longues années, après peu importe que ce soit à travers un t-shirt en tchoutchouka ou un sac paëlla qu’on peut retrouver dans ma nouvelle boutique rue Saint-Honoré. Moi, tout ce que je veux, c’est donner de l’amour et du partage et des émotions aux gens qui achètent mes créations, c’est ça le plus important». La vidéo se clôt sur Jacques-Mouss qui précise plusieurs fois l’adresse de la boutique rue Saint-Honoré.
Cette parodie, qui moque Simon Porte Jacquemus, créateur synonyme d’une des success stories les plus fracassantes de la mode actuelle (et qui carbure au provencialisme), est un nouvel exemple d’un genre dans lequel Malik Bentalha sévit régulièrement, pour épingler des phénomènes à succès de l’époque. En ont déjà fait les frais le rappeur Jul (avec le personnage de La Bul, mis en scène dans le morceau Mange-moi l’ananas), le pâtissier ultraviral Cédric Grolet (Pierrick Grolard) mais aussi Pascal Praud et CNews avec l’Heure de trop. Les vidéos sont soignées, plus vraies que nature, les punchlines ridicules abondent, la caricature va bon train : l’humoriste et acteur de 34 ans excelle à restituer l’absurde. Dans le même temps, les intéressés peuvent y voir une forme d’hommage, qui valide leur influence du moment. Sachant que ces sketches enregistrent à chaque fois des dizaines de millions de vues. Bentalha, baromètre acide de la tendance.