Dans le projet de planification écologique pour 2030, présenté par Elisabeth Borne en septembre dernier, aucun objectif clair de réduction de la consommation de viande n’a été formulé. Le débat est mis de côté, car sujet de trop de discordes. En France, la viande est un sujet à la fois sentimental et fortement verrouillé par le lobby agricole ; la FNSEA se dit défavorable à la réduction et même à une «modération» de sa production. Le cheptel, si l’on suit les tendances actuelles, devrait se réduire de 12 % d’ici 2030 (en raison de départs en retraite, d’exploitations non reprises, d’abandon d’activité), mais les consommateurs, eux, ne sont pas devenus végétariens pour autant. Résultat, on importe.
La viande reste indéboulonnable des menus, des habitudes, des recettes présentées à la télévision, des publicités, bref de la vie quotidienne. Et peu de politiques publiques vont dans le sens de la déconsommation. La restauration collective, qui fait aussi office de lieu d’apprentissage, notamment pour les plus petits, résiste à introduire davantage de menus végétariens. Finalement, les Français en consomment toujours, en moyenne de deux à trois fois par semaine hors volaille selon Interbev (l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes). FranceAgriMer note même une augmentation en 2022 de 0,8 % par rapport à 2021 sur le volume total consommé, soit + 0,5 % en moyenne par habitant. On est loin d’une conversion généralisée vers le végétarisme, tant redoutée par les amoureux du barbecue.
Epidémies
Alors, si rien ne marche, pourquoi ne pas essayer un geste radical : la mention sanitaire sur le paquet de steaks ? Après tout, il ne s’agirait pas d’interdire ou de restreindre la viande mais de faire de cet acte d’achat un choix exceptionnel et pleinement conscient, loin du réflexe irréfléchi. Car les risques sur la santé et sur l’écologie sont éprouvés, comme le tabac sur la santé : manger trop de viande augmente le risque de cancers, de diabète et de maladies cardiovasculaires. Sur l’environnement, ce n’est guère mieux : 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre sont liées à l’élevage, contribuant au réchauffement climatique. Acheter de la viande pourrait donc faire l’objet, logiquement, des mêmes précautions gouvernementales.
Des chercheurs de l’université Durham, en Angleterre, se sont inspirés de l’étiquetage des produits du tabac pour en mesurer l’effet sur les consommateurs. 1 001 adultes ont regardé des photographies de plats chauds de viande, de poisson, mais aussi des plats végétariens et végétaliens, assortis d’un avertissement soit sanitaire, soit climatique, soit lié au risque pandémique ou sans étiquette du tout. Publiées dans la revue scientifique Appetite, les conclusions sont probantes. Avec des messages bien ciblés et des images chocs, les ventes de produits carnés reculeraient théoriquement de 7 à 10 %. C’est le risque pandémique qui a refroidi le plus efficacement les consommateurs – le souvenir de la vache folle en Irlande et au Royaume-Uni y est sans doute pour quelque chose. De là à ce que de telles mentions apparaissent dans nos supermarchés, on sera morts bien avant…