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Libération
Interview

Alice d’Orgeval : «J’avais besoin de comprendre pourquoi l’humain s’était si éloigné du vivant»

Dans son livre «Escapades vers le vivant», la journaliste partage le récit de ses excursions, qu’elle a entreprises à travers la France pour retrouver un lien direct avec la nature et, surtout, dans une optique de meilleure compréhension du vivant.

Le livre d'Alice d'Orgeval veut donner l’envie de réconcilier escapades touristiques et respect de l’environnement. (Fred Lahache/Gallimard)
Par
Rose Chabani
Publié le 13/06/2023 à 19h06

Après les confinements liés à la crise sanitaire, la journaliste Alice d’Orgeval a eu envie de retrouver un lien direct avec la nature et d’explorer de nouveaux territoires. De ses excursions, elle a tiré un livre, Escapades vers le vivant. Rencontres, adresses et expériences pour renouer avec la nature (1), où celle qui se passionne pour le vivant pointe l’importance d’entretenir un lien respectueux avec la terre. Dans ce guide de voyage en France, elle partage ses bonnes adresses, et raconte ses rencontres avec les experts de l’art de vivre (maraîchers, chefs, philosophes). Le livre, par ses nombreux bons plans, gîtes, maison d’hôtes, tables étoilées, veut donner l’envie de réconcilier escapades touristiques et respect de l’environnement.

Partir pour appréhender la nature différemment : comment est venue cette envie ?

Je suis journaliste de voyage. Contrainte par le confinement à m’arrêter, j’ai pris conscience que je n’étais plus en phase avec mes rêves de voyageuse, notamment à cause de l’urgence écologique. J’adore la nature mais je la connais mal… Et je peux même dire que j’en suis coupée. Dès lors c’est ce voyage-là que j’ai voulu entreprendre : partir à la découverte de la biodiversité, en interrogeant notre lien à la nature. Voyager, c’est aussi penser notre façon d’être au monde.

Qu’évoque la notion de «vivant» pour vous ?

C’est simple et complexe à la fois. Elle désigne bien sûr ce qui vit, espèces naturelles, écosystèmes, mais aussi toutes les interdépendances. A l’inverse du mot nature, le vivant permet d’inclure l’être humain dans ce grand tout. Je m’y suis intéressée à une époque où je lisais beaucoup des philosophes comme Bruno Latour, Philippe Descola et Baptiste Morizot. Leur pensée m’a aidée à mettre des mots sur ce que je ressentais de notre coupure avec la nature. J’avais besoin de comprendre ce qui était arrivé à l’humain pour qu’il soit si éloigné du vivant. J’ai décidé de m’y consacrer. Et j’ai repris la route.

Un moment vous a-t-il particulièrement marquée au cours de ce voyage ?

Mon expérience dans un centre d’équitation éthologique en Normandie [l’éthologie est l’étude des comportements animaux, l’équitation éthologique est fondée sur le partenariat homme-cheval, ndlr]. La propriétaire Audrey, m’a proposé, avant le départ en balade, de «communiquer» avec l’un des chevaux prévus pour cette sortie, par le biais de la technique dite du pendule divinatoire. Une technique qui permet de se connecter, ici à l’animal, par la pensée. Elle voulait, m’a-t-elle expliqué, s’assurer que le cheval en question était favorable à cette promenade. La réponse du pendule, et donc du cheval, fut sans appel : c’était non ! En conséquence, la balade a été annulée. J’en suis repartie bredouille, mais avec la satisfaction d’avoir donné la parole à ceux qui n’en ont pas.

Vous faites référence à l’urgence écologique en vous définissant comme écologiste de la deuxième heure. Ce voyage était-il une démarche militante ?

Aujourd’hui on discute beaucoup de l’impact écologique du tourisme et des restrictions à apporter. Pour ma part je préfère ne pas théoriser sur ce sujet, plutôt être dans la proposition d’alternative positive. C’est l’objectif de ce guide. Mais dans l’enquête qu’il a été nécessaire de faire, pour sélectionner chacun des lieux et personnes qui y sont présentés, l’éthique figurait en tête de liste des critères.

(1) Escapades vers le vivant. Rencontres, adresses et expériences pour renouer avec la nature d’Alice d’Orgeval, éd. Gallimard loisirs «Voyages» , avril 2023, 295 pp. 25 euros.