La vallée de Chamonix est désormais invisible. André Manoukian a patiemment remonté, skis de randonnée aux pieds, les pentes et moraines qui conduisent jusqu’au glacier d’Argentière, l’un des plus beaux du massif du Mont-Blanc. Durant tout le trajet, le jazzman n’a cessé de parler musique, sa passion, sa vie. Il vient d’arranger et enregistrer un album hommage à Serge Gainsbourg pour le label Blue Note et de boucler une série de chroniques sur l’histoire de la musique pour France Inter. Il prépare en outre la reprise de la tournée de son spectacle le Chant du périnée, le retour en juillet de son festival Cosmo Jazz à Chamonix et était l’avant-veille sur le plateau du Grand Echiquier, sur France 2… Seul un raide ressaut glaciaire le réduit au silence. Impossible de le franchir à ski : Manoukian déchausse ses planches, les met sur l’épaule et gravit de face la pente bordée de sublimes lames de glace bleue.
Au sortir du raidillon, le cirque glaciaire d’Argentière se révèle dans toute sa majesté. Le souffle court, le musicien murmure : «Que c’est beau !» Nous sommes à 2 400 mètres d’altitude. Le glacier géant est au-delà, à peine vallonné, en pente douce jusqu’à son extrémité, à 6 kilomètres, au pied du mont Dolent. Une phénoménale muraille de roc et de glace surplombe la rive gauche, alignant sur toute la longueur, et sur 1 000 mètres de haut, les faces nord de l’aiguille Verte, des Droites et des Courtes, lardées d’éperons rocheux et de couloirs de glace.
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