A partir du mois de janvier 2023, pour voyager dans certains territoires, dont Venise, la Thaïlande, les Pays-Bas et l’Ecosse, les touristes devront s’acquitter d’une taxe. Qu’elles soient économiques ou écologiques, les raisons de cette taxation varient en fonction de chacune de ces destinations.
Pour officiellement tenter de limiter le surtourisme, la municipalité de Venise prévoit de faire payer à ses visiteurs à la journée une taxe de séjour d’un montant de 3 à 10 euros, en fonction de l’affluence et de la période de l’année. Pour cela, les visiteurs devront passer par des tourniquets installés à l’entrée de la lagune fragilisée par les va-et-vient des touristes. Toute fraude entraînera une amende allant de 50 à 300 euros.
Autre destination à subir de plein fouet le tourisme de masse : la Thaïlande. Le pays d’Asie du Sud-Est imposera un droit d’entrée à ses voyageurs par voies aérienne, terrestre et maritime. L’autorité du tourisme local précise que les 300 bahts (8,20 euros) collectés pour chaque voyageur «seront utilisés pour la couverture d’assurance des touristes étrangers et l’amélioration des infrastructures pour un tourisme durable».
De leur côté, les Pays-Bas vont faire passer de 7,95 euros (depuis 2021) à 28,58 euros la taxe appliquée sur les billets d’avion au départ du pays, à partir du 1er janvier prochain. Notons que les voyageurs qui font escale en seront exemptés. Le royaume espère ainsi pousser les touristes à voyager de manière plus écologique.
En Ecosse, le projet est un peu plus flou. Le Parlement pourrait adopter, début 2023, une loi qui prévoit de taxer les touristes pour aider le pays le plus au nord du Royaume-Uni à affronter la flambée des coûts de l’énergie. Le montant de cette taxation, qui reste encore à définir, devrait s’élever à quelques livres sterling par nuitée pour les voyageurs qui séjourneront sur place.
Coût réel du tourisme
Pour Armelle Solelhac, PDG de l’agence de prospective et stratégie Switch, spécialisée dans le tourisme, la mise en place de ce type de taxe est inéluctable. «D’une manière générale, on ne paie pas actuellement le coût réel du tourisme lorsque l’on voyage. En prenant un billet d’avion, on ne paie pas à la planète le coût réel de nos déplacements.» Ainsi, l’entrepreneuse s’étonne de la faiblesse des montants proposés par certains territoires comme Venise ou même la Thaïlande. «Pour préserver la faune et la flore et le bâti de territoires menacés par le surtourisme, il faut des moyens colossaux. Pour visiter le Bhoutan, le touriste paie [depuis septembre 2022] 200 dollars par jour.» En Nouvelle-Zélande, depuis 2019, le touriste doit régler à son arrivée 35 dollars néo-zélandais (soit 21 euros) pour aider le pays à faire sa transition écologique. A Bali, cela fait trois ans que le touriste doit s’acquitter de 9 euros pour préserver la culture et l’environnement indonésiens.
Pour Sandrine Heitz-Spahn, maître de conférences en science de gestion à l’université de Lorraine et spécialiste de la consommation, il convient de distinguer «la taxe avec un caractère bénéfique» à celle qui pourrait être perçue comme «punitive» ou «incompréhensible». «Ce qui m’a interpellée, c’est la communication de chaque Etat envers le consommateur. Si l’on prend l’exemple de la Thaïlande, le touriste comprendra facilement que cette taxation a du sens car elle permet de mieux protéger les visiteurs et d’améliorer les infrastructures dans un pays loin d’être dans une culture du tourisme durable, notamment dans sa gestion des déchets et son utilisation du plastique tous azimuts.»
Approche «glocale»
A l’inverse, elle s’interroge sur la politique tarifaire néerlandaise. «Là, nous sommes dans une forme de taxe sanction. On punit le consommateur parce qu’il choisit l’avion, qui n’est pas la solution la plus écologique. Pas sûr que ce dernier comprenne ce choix. Et vu la taille du pays, les voyageurs seront tentés de se rendre par voie terrestre ou ferroviaire dans des pays voisins comme la Belgique ou l’Allemagne pour prendre l’avion !» La chercheuse reste dubitative devant le cas écossais : «Je ne sais pas comment l’Ecosse arrivera à justifier une taxe basée sur «la flambée des coûts d’énergie», sachant que tous les pays sont confrontés au même problème et que l’Ecosse n’est pas une destination touristique de masse.»
Billet
Armelle Solelhac, qui réfléchit sur l’évolution du tourisme dans les années à venir, estime que ce type de taxe sera amené à être généralisé à l’avenir. «Pour l’instant, ce sont des initiatives locales isolées, qui semblent sporadiques et désorganisées de l’extérieur. Mais nous nous dirigeons vers une approche «glocale» de la question. C’est-à-dire une approche personnalisée en fonction des besoins et des coutumes locales, avec un impact global à l’échelle de la planète. Chaque territoire mettra en place des solutions pour limiter la dégradation de sa faune, de sa flore et de son bâti à valeur patrimoniale.» L’instauration de ces taxes remet sur la table la question du «slow travel» : voyager en prenant son temps et hors des sentiers rebattus du tourisme de masse.