Ce vendredi 19 juillet, Andrea, 20 ans, s’est levé à 2 heures du matin pour attraper à l’aéroport de Bruxelles (Belgique) son vol pour Palerme (Italie). L’étudiant belgo-italien avait acheté un billet de la compagnie TUI pour les vacances. Mais lors de son escale à Naples, l’avion n’est pas reparti, panne de Microsoft oblige. «Nous sommes restés deux heures dans l’avion et on nous a fait descendre et remonter deux fois. La première, ils n’étaient pas sûrs de ce qui se passait et ils nous ont fait rester sur le tarmac à côté de l’avion. La seconde, ils nous ont fait prendre une navette vers le terminal, raconte-t-il à Libération. Ils nous ont dit que c’était un problème logiciel mais ce n’est qu’en allant sur Twitter que j’ai vu que c’était un problème général. Les gens ont un peu râlé et se sont posé beaucoup de questions à cause du manque de communication de la compagnie.»
D’abord agacé – et affamé : «on nous avait dit qu’on nous donnerait une petite compensation pour manger à midi… On n’a toujours rien eu» –, l’étudiant relativise : «Les hôpitaux sont aussi touchés, ce qui est bien plus grave. C’est impressionnant quand on voit une panne mondiale. On s’imagine toujours quelque chose de très grave. D’autant plus que Microsoft détient une sorte de monopole sur le marché, s’il y avait un problème chez eux, ce serait une catastrophe.»
Bloqué, lui, à Alicante (Espagne), Dale Archer, un Britannique, raconte également être «retenu prisonnier sans eau, sans nourriture, sans toilettes et sans informations» dans un car de la compagnie aérienne Jet 2, avec laquelle il voyage. «On nous a juste conseillé de nous asseoir dans un coin !»
Live
A l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry (France), Pauline (1), 28 ans, s’est elle aussi levée aux aurores. Mais pas pour partir en voyage : la jeune femme est agent d’escale pour Alyzia, un sous-traitant de compagnies aériennes. Vers 7 h 30 ce matin, elle et ses collègues se sont rendu compte «en plein embarquement Transavia, que le système ne fonctionnait plus». «Au début, on a cru que le problème venait de Transavia, mais depuis, la plupart de nos systèmes d’enregistrement sont down». Résultat : comme le veut la procédure, «on fait désormais tout en manuel, ce qui prend un temps fou. Absolument tous nos vols sont retardés, ce qui impactera la journée complète», déplore Pauline.
La carte d’embarquement à la main, c’est aussi ce qu’a vécu Jacques, 48 ans, qui rentre pour sa part de ses congés espagnols avec ses deux enfants. La famille s’est rendue tôt à l’aéroport d’Alicante pour regagner la Belgique, mais dès son arrivée, «le personnel nous a expliqué qu’il y avait une panne et que ce n’était pas sûr qu’on puisse partir». Face à la situation, pas le choix : le check-in se fait à la main. «Forcément, c’était beaucoup plus lent», raconte Jacques. Mais le quadragénaire refuse de se plaindre.
«Les compagnies ne répondent pas à nos messages»
A Orly aussi, «les gens sont anormalement calmes», juge Delphine, en partance pour Lisbonne (Portugal). «Tout le monde essaie de faire en sorte que ça circule. Il y a quand même un gros potentiel de mouvement de foule dangereux : rien n’est organisé, tout le monde a des chariots, des valises. On trouve des goulots d’étranglement partout et c’est assez préoccupant. Il y a des zones entières où on ne peut pas circuler, j’ai vu une dame faire un malaise. Des gens qui attendent leurs vols pour Alger et Monastir depuis 7 heures du matin ont un peu protesté et… la police est même arrivée pour intervenir, ce qui est un peu honteux.»
En résumé
«Quand nous sommes arrivés, il y avait dans le hall une foule de gens amassés qui ne pouvaient pas embarquer. Les personnels de l’aéroport sont débordés, tout comme les compagnies. On m’a dit que pour embarquer un bagage, ce n’était pas le moment… et qu’il allait sûrement être perdu», raconte-t-elle encore. Pendant qu’elle attend, Delphine «regarde sur des sites pour savoir où est notre vol et on cherche d’autres billets, comme Air France n’est pas concerné… mais ça veut aussi dire repayer un billet bien plus cher. On va peut-être devoir changer nos plans de vacances, pour ne pas déranger les gens que nous devons retrouver ce soir à Lisbonne.» Tout comme Dan, Delphine regrette le manque de communication des transporteurs : «Personne n’a été prévenu de rien et c’est mon compagnon qui travaille dans l’informatique qui m’a expliqué ce qui se passait. Là, le problème, c’est que les compagnies ne répondent pas à nos messages, à part des réponses automatiques.»
Autour de Pauline aussi, à Lyon, «les voyageurs semblent inquiets» face au risque de voir leur vol annulé ou de rater leur avion. «Mais ils comprennent aussi la situation et qu’on essaie de faire au mieux», tempère l’agent d’escale. Qui escompte cependant «une longue et difficile journée».
A New Delhi (Inde), Subhash, 34 ans, a lui raté un premier vol pour Bengalore. Le trentenaire était impatient de rentrer chez lui après une « longue semaine » de travail et de rendez-vous professionnels. Mais c’était sans compter sur l’immense file qui l’attendait devant l’aéroport de New Delhi. « En Inde, certains aéroports utilisent un outil de reconnaissance faciale pour pouvoir entrer. Mais comme le système ne marchait pas, la sécurité a dû vérifier chaque voyageur manuellement », raconte t-il. Résultat : la file s’allonge, et l’avion décolle finalement, sans lui. « Pleins de passagers l’ont raté. Et quand je suis finalement entré dans l’aéroport, j’ai demandé au personnel de réserver un nouveau vol, mais je ne pouvais pas effectuer le paiement car ce système était lui aussi en panne, ni réserver en ligne », poursuit Subhash, qui précise que de nombreux vols sont retardés ou annulés.
Après plusieurs heures d’attente, il réussit finalement à obtenir des tickets, pour un vol prévu dans la soirée. « Maintenant, j’attends encore ma carte d’embarquement. Mais je n’avais jamais rien vu de pareil. L’aéroport est bondé. Il y a des écrans bleus partout, on n’arrive pas à voir les heures des vols. Les voyageurs comme le personnel, on ne sait pas quoi faire. Tout le monde est désemparé ». Benjamin, développeur informatique, a de son côté carrément dû rentrer chez lui : « Je devais partir en vacances, mais je rentre chez moi bredouille avec ma teille que j’ai achetée en duty free pour fêter les retrouvailles avec mon pote. Quelle tristesse ! Je suis rentré chez moi après trois heures de retard et mon avion a fini par être annulé. On nous a dit que l’avion est là mais ils n’ont aucun système informatique. Donc pas de registre des passagers, rien. »
A Brindisi (Italie), Léa, étudiante de 23 ans, a eu plus de chance : elle a finalement pu embarquer en direction de Paris Beauvais : « On est enfin dans l’avion après deux heures d’attente. Par contre, le personnel de bord nous « presse » un peu : si on ne se dépêche pas de s’installer pour qu’ils puissent décoller au plus vite, on va devoir attendre encore un petit moment pour ne pas retarder les autres vols», narre t-elle. Chanceux, Jacques a lui aussi pu enfin monter dans l’avion à Alicante. «Dans l’aéroport, j’ai vu que la file de mon avion était la seule qui avançait. Je ne sais pas si les autres voyageurs vont pouvoir partir. Sauf qu’à Alicante, en juillet, ça ne va pas être facile de trouver des chambres d’hôtel…» poursuit-il au téléphone. En fond, une annonce interrompt son récit : «Veuillez mettre vos ceintures de sécurité.» «Oh, je pense qu’on va pouvoir partir ! Je vous rappelle si c’est une fausse alerte», s’amuse Jacques, avant de raccrocher.
(1) Le prénom a été modifié.