La vidéo a fait le tour du monde. Début décembre, à Venise, un groupe de touristes chinois s’est retrouvé dans l’eau glacée d’un canal après que leur gondole a chaviré. Et pour cause : obnubilés par leur séance de selfies embarquée, ils n’ont pas fait cas des appels du gondolier les priant de s’asseoir au moment d’une manœuvre exigeante. L’épisode, qui en a fait ironiser plus d’un, rappelle toutes ces vieilles histoires d’égoportraits loupés qui peuvent accoucher d’un drame, parfois mortel (notamment en Inde). C’est, dans le Colorado, un parc naturel obligé de fermer parce que les visiteurs se pressent pour se prendre en photo avec un ours, à Milan une statue antique endommagée par un étudiant qui avait grimpé dessus pour se photographier ou au Costa Rica une ponte de tortues protégées ruinée pour quelques images.
Et à chaque accident, la même question : faut-il lutter contre les selfies, quitte à les bannir ou les empêcher dans certains lieux très (ou trop) instagrammés ? Car, et c’est tout le problème, ces clichés, une fois abondamment partagés, alimentent la pollution des merveilles de la nature ou la surfréquentation des sites déjà prisés pour leur caractère photogénique. C’est le cas à Bali, au sommet du Machu Picchu ou dans les Cinque Terre mais aussi plus près de chez nous, dans les calanques de Marseille, le long des sources de l’Huveaune à Nans-les-Pins (Var) ou dans les massifs alpins de la Vanoise (Savoie).
Palissade en bois ou «frais de selfie»
D’où la volonté récente des autorités de réguler la pratique pour espérer juguler les flux. En mai, la commune autrichienne de Hallstatt, au cœur des Alpes, qui a inspiré la ville de la Reine des neiges de Disney et est classée au patrimoine mondial de l’Unesco, a par exemple installé une palissade en bois pour obstruer un panorama à selfies avant de la retirer. Entre autres mesures, (comme il s’en décrète partout dans le monde) visant à limiter le nombre journalier du million annuel de touristes. Depuis le printemps, le village suisse d’Iseltwald a, lui, décidé de faire payer 5 francs suisses (un peu plus de 5 euros) aux touristes souhaitant se prendre en photo depuis un embarcadère sur le lac de Brienz. Des «frais de selfie» censés limiter les hordes de fans d’une série sud-coréenne de Netflix dans laquelle une scène à l’eau de rose a lieu sur les rives du plan d’eau.
Encore ? Fin septembre, Pomfret, dans l’Etat du Vermont, célèbre pour ses flamboyants paysages sylvestres automnaux, a décidé de bannir les influenceurs et autres instagrammeurs amateurs pendant la durée du phénomène popularisé par les réseaux sociaux, en fermant ses routes aux non résidents, raconte NBC. Moins radicale, la Nouvelle-Zélande, par l’intermédiaire de son office du tourisme, invite depuis quasiment trois ans sur un ton plus pédago ses visiteurs à privilégier l’originalité plutôt que de s’inspirer des publications des influenceurs voyages.