C’est un film unique. Il nous emmène dans les pas de Marc-André Leclerc, alpiniste disparu à 25 ans dans une avalanche en Alaska avec un compagnon d’escalade. On le voit grimper, se rattraper, en rappel, atteindre le sommet, marcher sur la crête, admirer les cimes, dans une trouée de nuages, au coucher du soleil. Sa bouille ronde, son visage de poupon, son sourire irradient. Et c’est un champion. Tous les professionnels de la montagne interrogés dans ce film le reconnaissent : ce type est un extraterrestre.
La mort rôde à chaque tournant
Il a un talent qui le place au-dessus des autres, capable d’alterner glace et rocher, escalades hivernales dans des montagnes qui n’ont jamais connu d’hommes en plein janvier, quand souffle la tempête et qu’on «se gèle les miches», comme il le souligne à propos. Par exemple sur le Torre Egger, en Patagonie. Ou sur l’Empereur au mont Robson, dans les Rocheuses canadiennes. Où, avant de se lancer, il consulte fébrilement les bulletins météo, échoue à quelques mètres du sommet, et retourne quelques jours après, pour en sortir finalement victorieux.
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Dans ce documentaire, la mort rôde à chaque tournant. Ainsi lorsqu’on le voit manger une part de gâteau dont il dit qu’il profite jusqu’au bout parce que ce sera peut-être la dernière. Marc-André Leclerc a une conscience aiguë de sa propre mise en danger, de ses limites, des risques qu’il prend. Reinhold Messner appuie : «S’il n’y avait pas le danger omniprésent, ce ne serait plus l’aventure, mais un jeu de jardin d’enfants.»
Indicible regret
Une vie qu’il a choisie, pour laquelle il s’est entraîné jusqu’au bout, a tout sacrifié, jamais pour entrer dans l’histoire, ni écrire sa légende. «Quand tu grimpes, la montagne t’envoie des signaux, toi tu es là, mais c’est elle qui vit.»
On suit enfin le message que l’alpiniste envoie à son amie Brette sous sa tente, en pleine tourmente, en lui disant qu’il pense à elle et qu’il l’aime, qu’il a hâte de la revoir… Tandis qu’on se demande en même temps ce qu’il fait là-haut, dans ces conditions incroyablement difficiles. Et c’est comme s’il émanait de cette existence si courte un indicible regret.
Brette retrouvera un piton – pièce métallique qui sert de point d’ancrage – sur la face, après sa disparition. La seule trace de l’alpiniste. C’était sur la face nord des Mendenhall Towers, au nord de Juneau en Alaska, en compagnie de Ryan Johnson. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés.