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Libération
Critique

Wilde choisit son Camp : ""Aristote à l'heure du thé""

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publié le 5 janvier 1995 à 0h35

Oscar Wilde, ARISTOTE À L'HEURE DU THÉ, traduit de l'anglais par

Charles Dantzig. Les Belles Lettres, 295 pp., 120 F.

Oscar Wilde a-t-il vraiment, un soir de déprime en Algérie, confié à André Gide la terrible petite phrase, si souvent citée par un certain nombre de perroquets littéraires: «J'ai mis mon génie dans ma vie, je n'ai mis que mon talent dans mon oeuvre.»? L'interminable purgatoire de Wilde tendrait à prouver que ce propos, tel un acide, a lentement pollué l'authentique courant d'estime, notamment français, qui accompagna les débuts d'un dramaturge éblouissant et d'un esprit certainement trop volatile et insaisissable pour ses contemporains, au point qu'ils n'attendirent qu'une occasion, quasi trop belle, pour lui faire un sort.

En 1880, à l'époque où seul le Punch s'ingéniait, de bonne guerre, à brocarder en lui le représentant le plus voyant du Mouvement Esthétique, ce jeune paon irlandais prenait d'assaut les scènes du West End londonien avec une pièce sur le nihilisme russe, Véra, publiait d'exquis poèmes, donnait des conférences et voyageait beaucoup. Sa vie, convenons-en, trahissait à ce moment plus de talent que l'oeuvre, qui s'ébauchait. Oscar prenait des risques, insouciant peut-être, mais acharné déjà à fustiger les lourdeurs d'une époque engoncée dans le victorianisme. Avec le recul, il est frappant de constater à quel point l'ambitieux auteur du Portrait de Dorian Gray, de l'Éventail de Lady Windermere ­ son plus grand succès au théâtre ­ et du De Profund